25 novembre 2008

Primesautier

Un drôle de type vient me voir, il vient me voir tous les dimanches, les autres jours il n’est pas là, il travaille. Comme il ne vient pas souvent ma barbe pousse. Elle ne pousse que sous mon menton. Le type qui vient me voir le dimanche a les yeux cernés, il est bizarre. Il travaille dans un hôtel la nuit. La nuit il entend les gens faire des choses avec leurs corps, et il a des bonheurs coupables Il est tenaillé et glauque on l appelle Monsieur Hermès. Le jour il écrit des choses, mais très peu c’est une parure.. Un clandestin dans l’endroit où il écrit tous ces signes que les gens décodent et que moi je ne comprends pas. Ma barbe me gratte et j’ai perdu ma bicyclette, heureusement il n’est pas minuit et il ne pleut pas

Monsieur Hermes n'aime ni la pluie ni le verglas, par contre, il voit sans déplaisir les feuilles tomber, il aime patauger dans la boue liquide une fois l'averse passée, il aime respirer l'odeur de chien mouillé des passants, l'odeur acre, presque une odeur d'urine,des feuilles amassées en tas sur le bord des trottoirs. Le dimanche quand il vient me voir Monsieur Hermes sent tout ça, le chien mouillé une vague et tenace odeur d'urée …C'est pourquoi parfois je le reçois avec mon manteau enroulé autour de ma tête. Je l'écoute et des fenêtres s'ouvrent dans ma tête.

Il y a des jours où je tourne franchement en rond ou je me donne l'impression de vivre autant de choses qu'un poisson rouge.

Dimanche dernier Monsieur Hermès n'est pas passé, quand il ne passe pas je m'imagine que je suis lui, toutes ces voix, toutes ces pensées ne sont pas les miennes, je suis monsieur Hermès, je ne suis plus rien, je ne sais rien, cette voix n'est pas la mienne, je ne le dirai pas, car je ne le saurai pas, peut-être que finalement, je suis Monsieur Hermès ?

J'ai écouté, j'ai tendu l'oreille, la vie continue, chaque jour la désagrégation des fibres émet un clapotis en moi, clapotis que j'ai de plus en plus de mal à percevoir. Je reste dans mes gonds, je n'en sortirai plus

Monsieur Hermès est venu. Ça allait, je m'étais oublié. Ce n'est pas vrai, ça allait, j'étais ailleurs dans une immobilité de pierre. Alors il est venu, … Il m'a montré son tibia couvert d'écorchures … la vieille voisine écoutait derrière la porte, j'ai ouvert la porte. Je l'ai assommée avec un pot de fleurs. Monsieur Hermès ennuyé est parti en clopinant de son tibia couvert de bleus et de cicatrices, la petite vieille au sol ressemblait à un lardon. Au commissariat je me suis endormi sur la chaise, la chaise aux pieds métallique vert comme avant, à l'école. Homicide volontaire, le policier portait des chaussures jaunes. Je me suis gratté le nombril, de la poussière dedans...

Je suis en éveil et j’ai peur de Monsieur Hermès. Le type du commissariat avec les grosses chaussures jaunes m’a posé des questions sur Monsieur Hermès, sur l’hôtel où il travaille, je ne sais rien, je n’ai pas de comptes à rendre …

Je suis libre à présent, relâché, le pot de fleurs est oublié. Je me suis jeté sur mon lit. J’entends le bruit de mon cœur sous mes os, le battement des veines sur mes tempes. J’ai soif, il fait chaud, je sens la sueur couler sur ma joue. J’ai peur et je suis calme. Monsieur hermès rode en moi. Je veux me souvenir du visage de Monsieur Hermès de l’expression trouble de son visage, mais je n’ai plus de souvenir, je n’ai qu’un souvenir erroné du visage de Monsieur Hermès, ce souvenir vague m’accable.

Alors finalement je ne suis plus rien, l’autre renonce à être moi, et cette musique tahitienne qui s’élève. Au-dessus de mon lit sur l’un des quatre murs de ma chambre jaune, il y a accroché ce tableau de Van Gogh , et la lumière dans la fenêtre là dans le tableau n’est plus celle d’Arles, mais celle de Tahiti . Gauguin est un autre Monsieur Hermès, et moi, car finalement je suis moi, je passe par la fenêtre…

24 novembre 2008

Glapion

Aussi rebutante soit-elle, aussi narcoleptique soit-elle, j’ai pour principe acquis le fait de ne jamais laisser choir une lecture en route ; j’ai en effet toujours de vagues scrupules à vouloir ainsi abandonner un développeur de syntaxe et, de facto, sa syntaxe avec en route, la lumière peut toujours surgir par mégarde et puis il y a toujours l’éventualité que je puisse me retrouver, comme par magie, dans les dispositions adéquates, dans le mood iridescent me permettant de discerner un infime point de pression avec le texte qui se dérobe lâchement à ma lecture. Toujours est-il que je n’abandonne jamais une lecture en cours… presque jamais… et que je suis bien souvent récompensé par ma ténacité. Ho ! il y a bien d’infimes exceptions à la règle et aux principes acquis, le rose au front je dois par exemple avouer qu’au bout de vingt courtes pages d’efforts bien réels et inconstatables j’ai laissé choir sur le sol l’Effet Glapion du mage antibois Audiberti ; du mordoré qui vire au chanci, du boulevard au troisième degré, mais alors vieillot mais vieillot dans le pire sens (pour le meilleur sens lire Jouhandeau) quelque chose de croupi dans l’humour jaune, comme une mauvaise maladie pas drôle qui se voudrait drôle, la dernière fois que j’avais laissé choir sur le sol un livre avec un tel bruit mat c’était la morne valse d’Albert Cohen Belle du Seigneur ; une sacré maladie, la maladie du sommeil… Peut-être, qu’en fait, j’ai un problème avec la faconde méditerranéenne en littérature ? toujours est-il que ce baroquisme à la petite semaine m’ennuie, m’agace, pire m’endors ! Enfin j’exorcise tel un nyctalope tatillon car le reste d’Audiberti est souvant très bien, rempli de pierres biscornues et de mots gisant sous les oliviers, et puis c’était un type bien, la preuve il ne se nourrissait que de boites de sardines à l’huile (ou presque) … comme Brassens un autre méditerranéen, mais moins loquace lui.

PS : Je suis à nouveau chez Rousseau, qui lui ne déçoit jamais son homme.

La preuve :

« Elle ne garda le lit que les deux derniers jours, et ne cessa de s’entretenir paisiblement avec tout le monde. Enfin, ne parlant plus, et déjà dans les combats de l’agonie, elle fit un gros pet. ‘Bon! dit-elle en se retournant, femme qui pète n’est pas morte.’ Ce furent les derniers mots qu’elle prononça »

NB :

Ah ! oui aussi sur la bonne recommandation de Nicolas Bouvier j’entame le Printemps Noir d’Henry Miller, pour l’instant c’est bien le « satori » de lecture annoncé, une cosmogonie sensuelle que je ne saurais laisser choir pour rien au monde… ni au cosmos.

23 novembre 2008

Roulotte

« De tous ces voyages, je n’ai jamais rien tiré pour mes livres »

En 1925 Raymond Roussel se fit construire une roulotte automobile, une voiture-salon, une Rolls-roulotte bien à lui. Outre un cabinet de toilette, un salon avec lit escamotable, un secrétaire, un bar et une cuisinière, on y trouvait un dortoir amovible (et versatile) destiné au petit personnel (deux chauffeurs et un valet.)
Quelques quidams inquiets et néanmoins piétons du siècle dernier auraient vu ce curieux attelage (anxiogène, tel un corbillard surdimensionné) arpenter certaines routes européennes d’Alsace en Suisse, de Turquie en Italie, d’Italie en France et de France en Italie… Mussolini l’aurait visité en 1926 tout comme un nonce apostolique envoyé là par un pape curieux... et futé, puisque flairant intuitivement une proto papamobile possible.
Lassé par le tourisme grandissant, la banalité croissante des Palaces, Raymond Roussel finit par s’enfermer dans sa Rolls-roulotte (son palace à lui) où, reclus, il fit mine de vivre en compagnie de sa maîtresse officielle, Charlotte Dufrène… Jolie couple en très petit indoor avec la domesticité amovible sur les côtés… Le véhicule, chambre noire inhalant couple et lumière, n’était plus « quitté » que pour de lumineuses activités liées à une toxicomanie galopante, White Light comme dirait l’autre…

NB : Raymond Roussel est mort d’un accès de barbiturique dans la nuit du jeudi 13 au vendredi 14 juillet 1933, entre minuit et deux heures du matin c’était dans la chambre n°224 (aujourd’hui n°225) du Grande Albergo delle Palme à Palerme un palace non motorisé où le tintammaresque Wagner avait précédemment composé Parsifal, vous voyez le truc qui fait crincrin ?

Ps : La Rolls-roulotte fut présentée au salon de l’automobile 1925. Les derniers mots de Raymond Roussel (à Charlotte Dufrène ) : « Ne t'inquiète pas ».

21 novembre 2008

Mouvement

Le mouvement devient indivisible et sans fin. D’une ampleur concrète, d’une variété sensible, c'est lui que nous relions avec lui-même. Ce n'est pas avec la distance, que le vrai, le seul mouvement se place, s'accoutume, cherche et trouve son point de pression avec le monde.

18 novembre 2008

Flottement

Le flottement, la marge onduleuse de nos impressions les plus simples - cette marge qui a tant de sinuosités impénétrables et qui jusqu'ici a glissé autour de nous inconsidérément.

16 novembre 2008

Trou

Le Svevo péniblement achevé (au milieu un grand trou où les âmes en peine auraient peu de peine à tomber sans peine) nous irons voir si le mordoré ne se gâte pas chez le Major Thomson (ce Benchley lo-fi) , pour l’instant malgré une petite saveur aigrelette, pas trop.

PS : Néanmoins, passé le trou, la fin du Svevo est très belle.

10 novembre 2008

Freudien

Moyennant une discrète négociation avec nous même et afin d'empêcher l’éventuelle monotonie d’un hypothétique coma lectoral, nous basculerons, à l’alternat, de Rousseau à Svevo…

En pleine circonvolution, ton sur ton, et comme damasquinés sur un canapé écru, nous entamerons alors La Conscience de Zeno ce premier grand roman psychanalytique du siècle dernier… ce bidule tordu en forme de machin.. ce bidule avec des canapés, ce bidule plein de choses débordantes de trucs… mais pas de turcs, enfin pas encore… … Cette lecture devra être faite, en pleine conscience fluctuante, une pièce de un euro discrètement lovée au creux de la main moite ; pratique bien curieuse qui ne facilitera pas le décryptage mais qui s’imposera tant il faut savoir être payé pour être récompensé… oui il faut savoir s’imaginer premier cabot venu, circonspect et caboche en biais devant l’aspartame… néanmoins nous remuerons la queue, suis-je bien clair ?

NB : j’ai bien la fâcheuse impression que le tout est traduit avec les pieds ; c’est un problème. Ajoutons que la préface également fomentée par la traductrice est aussi enthousiasmante qu’un congrès de VRP monozygotes à chapeaux mous…. pour un peu c’est du Magritte, mais il n’y a pas de peu…

6 novembre 2008

Equilibriste

Quittant lâchement un Roger Vailland, ex jeune homme seul mi-fuite, mi-raison, traqué par Vichy et le gestapo, me voilà bientôt chez Jean Jacques R… un drôle de voyage, une drôle de destination, un drôle de paroissien… Ma machine à fuir dans le temps (des livres) semblant s’être déréglée j’ai, en fait, la sensation perturbante d’atterrir chez un Jean Jacques qui toiserai le fielleux Emile * sur son propre terrain : « … je naquis infirme et malade ; je coûtai la vie à ma mère, et ma naissance fut le premier de mes malheurs… » … il y a de pires débuts, la confession s’annonce bien…

* Le terrible fildefériste roumain.

4 novembre 2008

Hussard

Et voilà donc Roger Vailland. Hussard bien droit dans ses mots sans être de droite, communiste non stalinien et sans grumeaux, Don Juan loin des rivages misogynes (Casanova ?) En tous les cas, joli développeur de syntaxe en forme de contradiction…

2 novembre 2008

Autochtone

Non ce pays ne m’assiége pas, ne me tourmente pas. Je n’ai rien à lui dire, il ne bourdonne pas plus que la mouche dans le creux de la main. Et puis il manque de neige ce pays, il manque d’ombre. On en fait le tour tellement vite.