26 juin 2011

Poli

Je ne sais pas si l’humour est vraiment la politesse du désespoir? Peut-être ? Disons que c’est une éventualité tangible. Tenez prenez Alexandre Vialatte, il était drôle tout en étant globalement désespéré à sa façon. Un désespéré délicat et attentionné, pas plus sur lui que sur les autres, avec ce confondant trop-plein de politesse qui lui faisait lever son chapeau mou lorsqu’il lui prenait l’idée d’écrire. Ainsi, il était poli et désespéré en bien, comme d’autres sont malpolis et désespérés en pire.

L’aphorisme que tous les journalistes et autres bocards de mots utilisent, le fameux : « L’humour est la politesse du désespoir » n’est pas, comme on le croit trop souvent, l’œuvre de Chris Marker (ou de Boris Vian), non c’est une pensée d’Achille Chavée, un surréaliste belge, de seconde main, qui doit se trouver posthumément fort marri de se voir ainsi si mal cité… J’écris si mal cité, car figurez vous que le commun des quidams cite mal Achille ! Voilà sa vraie phrase : « L’humour NOIR c’est la politesse du désespoir. » On accordera que l’adjectif change beaucoup de choses ; en tous les cas, il a l’avantage d’ouvrir une rime désespérée, ce qui n’est pas rien.

20 juin 2011

Cervical

Après le poignet droit et la cheville droite me voilà avec «les cervicales bloquées » il m’est absolument impossible de tourner la tête dans quelque que sens que ce soit, c’est fort dommage, car la saison veut que je sois tenté de faire pivoter ma tête en tous sens. Ainsi aujourd’hui j’ai été dans la plus totale incapacité de tournebouler sobrement mon regard sur les fesses et seins (juvéniles ou pas) que j’ai eu l’honneur de croiser. Imaginez mon désarroi, mon trouble (non comblé) et ma grande tristesse ! Je souffre et de surcroît me voilà qui passe pour un homme marié, pour un quasi et sinistre mâle nourrice non misogyne, bref un type bien… beurk ! Et puis en dehors de tous mes problèmes de rotation, hormonaux et mécaniques, ma douleur irradie depuis mon côté gauche alors que mes autres douleurs (cheville, poignet) irradient, elles, à partir de mon côté droit. Je ne suis donc plus du tout symétrique ! Je ressemble à un drôle de bonhomme qui serait Charlie Chaplin et Éric Von Stroheim tout à la fois, c’est un problème ; je crois que je vais boire pour m'oublier.

18 juin 2011

Lépidoptériste

« La littérature, la vraie littérature, ne saurait être avalée d'un trait comme une potion bienfaisante pour le coeur ou pour le cerveau. La littérature doit être émiettée, disséquée, triturée ; vous devez sentir son parfum délicieusement âcre dans le creux de votre main, vous devez la mastiquer, la rouler sur votre langue avec délices ; alors, et alors seulement, vous apprécierez son incomparable saveur à sa juste valeur, et ces fragments, ces miettes redeviendront un tout dans votre esprit, révélant la beauté d'une unité à laquelle vous avez donné un peu de votre propre sang… »

(Vladimir Nabokov, Littératures)

14 juin 2011

Douloureux

Je me suis tordu la cheville droite au labeur, je dirai qu’avec ma tendinite au poignet droit tout va donc pour le mieux puisque tout est d’une impeccable verticalité et d’un équilibre droitiste qui a tout pour réjouir le quasi maniaque que je suis. Imaginez qu’en lieu et place de la cheville droite je me sois tordu la cheville gauche ? j’aurai eu l’air bien malin, avec mon poignet droit douloureux, hein mes amis ! Voilà, je suis ravi, ma douleur est parfaitement symétrique, bien alignée à droite, une jolie douleur très bien tirée, une petite merveille. Pour le reste, du côté du cœur, tout va pour le mieux il est toujours 2/3 à gauche et 1/3 à droite…

Tenté de lire quelques pages du Journal de Stendhal. Je dis tenté, car les phrases du père Beyle me sont toutes tombées des yeux. En fait, j’étais déconcentré, et comme préoccupé, par mes petits embarras corporels ; il fallait que je calme l’une de mes belles douleurs symétriques, que je pose quelques glaçons sur ma cheville douloureuse ! Le seul problème est que je n’avais plus de glaçons, car, très peu méfiant, figurez-vous que je les avais tous utilisés pour noyer mes Martinis Dry de la semaine dernière ! Imaginez mon embarras, ma souffrance… alors Stendhal, hein !!

Je vous laisse, je ne peux plus écrire, mon poignet droit est décidément trop douloureux.

11 juin 2011

Étanche

Le problème c’est que pour pouvoir écrire il faut être en dehors de la vie et que pour avoir de quoi écrire il faut être dans la vie. Ce grand écart demande beaucoup de souplesse, beaucoup d’accointances avec les bords débordants d’un monde qui ne demande qu’à nous imbiber. Je ne sais pas si je suis suffisamment souple pour ce genre de gymnastique ; en tous les cas il me semble que suis très étanche.
Voilà, peut-être pourquoi je déçois…

10 juin 2011

Nuageux

« Jeux des nuages - jeu de la nature, essentiellement poétique… »
(Novalis, Fragments)

Lorsqu’ils forment une masse compacte, homogène et agglomérée, les nuages n’ont rien d’intéressant pour eux. Ils ont simplement la capacité d’éveiller la neurasthénie qui sommeille en nous. Nous voilà alors loin de Goethe, Baudelaire ou Bachelard, loin de la recherche du satori et des beaux cumulus détachés sur un ciel bleu que nous chérissons tous.

8 juin 2011

Ancillaire

Toute cette affaire (DSK) m’a donné des envies de Casanova. Comme ça vlan ! oh oui Casanova ! j’ai donc rouvert ses mémoires au hasard et je dois dire que le hasard a bien fait les choses puisque je me suis retrouvé assez vite en prison ! En prison, puis en galante compagnie ! Allez savoir comment et pourquoi ! Bon pour le reste si le Casanova terminal était bohémien du nord et bibliothécaire à Dux, scribe de lui-même et rangé des diligences, j’imagine un destin moins calme pour notre ex futur président potentiel.

6 juin 2011

Aristocratique

« Mes amis ! je m'en vais de ce pas ». Ce furent les derniers mots du marquis de Bièvre, mourant près de Spa où il était allé prendre les eaux, allez savoir pourquoi.

Quant au chevalier de Champcenetz, qui n'était jamais le dernier pour un bon mot, voilà son dernier qu’il lança gaiement tout en montant vers l'échafaud : « ne pourrait-on pas se faire remplacer ? »

5 juin 2011

Manuel

« Le mur est intact. Le maçon n’est lié qu’à ce qu’il fait. Et qui tient. Voilé par la mort. Que toute présence nous voile. »

(Thierry Metz, Journal d'un manœuvre)