29 décembre 2017

Placide

La pensée vole et les mots vont à pied. Ici, la pensée est le plus souvent dans une placidité orbitale et les mots sur eux-mêmes…

20 décembre 2017

Rassasié

Si tout ce qui est rare est précieux alors la musique que nous écoutions quand nous étions jeunes était précieuse, car rare. Nous n’étions pas saisis par l’abondance, les disques étaient difficilement trouvables. Quand ils étaient trouvables, il nous fallait parfois les acheter et souvent les voler. Que ce soit dans l’amour ou le rejet le rapport à la « chose écoutée » était donc forcément plus fort, plus crucial. Aujourd’hui tout est trouvable, nous pouvons voler sans risque, haïr faiblement et aimer mollement. Et puis de toutes les façons nous n’avons presque plus envie de rien, nous sommes assommés par l’abondance.

15 décembre 2017

Fatigué

J’ai constaté que si lorsque je suis fatigué, le romanesque, le voyageur, l’historique et l’intime me tombent des mains, le philosophique lui me sied parfaitement (et même le plus compliqué qui soit, même Wittgenstein). Mes états d’extrême fatigue ont peut-être la capacité de faire de moi une éponge ; une éponge qui s’ouvre devant le cogito d’autrui ; c’est déjà ça et ce n’est pas rien. 

P.-S. Bien évidemment lorsque je suis une éponge mon cerveau est incapable de la moindre compréhension. En l’occurrence, je ne suis qu’absorption, la lecture, le regard, la fausse petite étincelle du cogito ne sont que des étapes nécessaires, c’est ce qui reste de moi qui comprend, c’est mon corps qui comprend, et la fatigue l’aide à comprendre.

11 décembre 2017

Ennuyé

« Jadis la vie entrait en nous avec un beau tapage ; tout nous était chantant, lumineux, brillant ; il courait sur notre chair des frissons sensuels ; notre système nerveux sonnait des carillons étourdissants. Aujourd’hui tout s’éteint, le gris gagne ; quel vide, au-dehors, et en nous, quel silence ! L’étincelle, la dorure des objets s’en sont allées; nos pensées qui étaient une prairie vivante se fanent, les fleurs d’autrefois se rangent dans l’herbier ; nous ne savons plus respirer les roses ; nous demandons grâce à l’amour… L’intelligence s’alourdit, ne fait plus de conquêtes ; il en va ainsi chez ceux qui ne l’entretiennent pas ; chez les privilégiés même l’invention se retire ; les résultats de nos opérations mentales ne sont plus neufs ; c’est le temps des rengaines, des rabâchages ; on se répète, on se copie ; nos actes ont perdu leur intensité savoureuse, leur alacrité crépitante, et s’achèvent en réflexions amères, en déceptions navrées. Dans le champ dévasté de notre âme, il n’y a plus que ballons dégonflés ; l’amour, l’honneur, le devoir, la vertu, qu’est-ce c’est que ça ? » (Émile Tardieu - L'ennui, étude psychologique)