13 octobre 2020

Inutile

Mai 68. Voyant quelques enragés manifester dans la rue Eugène Ionesco un peu ivre ouvre les fenêtres du Mercure de France et beugle un tonitruant: « Dans trois semaines, vous serez des notaires ! ». La rue lui répond avec un pavé qui brise l’une des vitres de l’auguste maison d’édition. Tout cela est raconté dans le Journal Inutile de Morand, qui est donc un peu drôle. Tenez par exemple on peut aussi y lire ceci le 29 juillet 1968 : « Slogan pour l’Odéon, en octobre : L’avenir de la jeunesse, c’est la vieillesse ».

7 mai 2020

Pendu

Le 25 septembre 1977, Philippe Jullian dandy notoire s'est pendu avec sa cravate au crochet d'une porte. À cinquante-sept ans, il se trouvait trop vieux.

6 mars 2020

Immobile

Le 27 mai 1918 vers sept heures du soir devant Vailly-sur-Aisne, une balle entre par l'épaule droite du lieutenant Bousquet, lui troue quatre fois les poumons puis la colonne vertébrale. On entend deux cris, l'un un peu sourd, celui du blessé, l’autre atroce : “ Quel malheur ! le lieutenant est tué ! " Pourtant, le lieutenant n'est pas tué, c'est son corps qui est tué ! Voilà une paraplégie, une immobilité légendaire ! Bousquet raconte tout cela – bien mieux que moi – dans une lettre adressée à Maurice Nadeau le 13 juillet 1945. Dans cette même lettre, il évoque également ses relations avec le gratin surréaliste : Éluard, Breton, Tanguy, Max Ernst… Ce même Max Ernst qui, drôle d'ironie, était lui aussi sur le champ de bataille de Vailly-sur-Aisne, de l'autre côté... du côté allemand : « Mes soldats ont voulu me sauver. J’ai inutilement exigé qu’ils me laissent sur place, qu’ils me laissent à ma commençante agonie. Ils m’ont arraché malgré moi au champ de bataille… Eh bien, Nadeau, écoutez-moi avec attention. Mes soldats m’ont emporté au milieu des coups de feu. Max Ernst allait passer. Max passait. Max Ernst, lieutenant d’artillerie dans l’armée allemande, mais accompagnant un bataillon d’assaut, sortait de Vailly, que j’avais reçu l’ordre de reprendre, avec les vagues victorieuses… »

5 mars 2020

Tchekhovien

En mars 1894 Anton Tchekhov est en villégiature à Yalta et même s’ il mange des petits pâtés au piment et des côtes d'agneau au gruau chez la directrice du lycée de jeunes filles, il s'ennuie solidement. Il faut dire qu'il n'a pas vu ses deux teckels Brome et Quinine depuis plus d'un mois et que pour lui le printemps du sud ne vaut pas celui du nord :« chez nous la nature est plus triste, plus lyrique, plus levitanesque » (j'ai des doutes). Malgré tout cela les choses et le temps cheminent tout de même cahin-caha, il vend sa pelisse en renard vingt roubles (elle en valait pourtant soixante !), les groseilles ne sont pas encore mûres, mais il fait bon, le ciel est clair et les bourgeons des arbres commencent à éclater tandis que la mer à des airs d'été. Le 27 mars il écrit une lettre merveilleuse à Lydia Mizinova, le ton n'est pas très macroniste, jugez pas vous-même : « … Je suis d'avis que sans oisiveté le vrai bonheur est impossible. Mon idéal : être oisif et aimer une fille plantureuse. La volupté suprême, pour moi : marcher ou rester assis, mais ne rien faire ; mon occupation préférée : collectionner ce qui ne se fait pas (des petites feuilles, des brins de paille et ainsi de suite)…»

22 février 2020

Inclusif

Chères amies et chers amis sachant qu'au grand jamais je ne scribouillerai en écriture inclusive, il me faut donc pour être un tantinet au goût du jour utiliser moult doubles flexions et autres mots épicènes ce qui je dois bien le dire me fatigue assez (notamment les doubles flexions). À ce titre si les femmes pouvaient définitivement prendre tous les pouvoirs ce serait quand même plus simple.

27 janvier 2020

Caramélisé

« Plus on a envie de se suicider, plus on aime le flan au caramel » (Clemih Olh, Sonica mon lapin )

9 janvier 2020

Béat

La peur la plus sérieuse d'Emil Cioran ?  Devenir un saint !