« On ne peut faire le moindre pas vers la "perfection" tant qu’on demeure prisonnier de la colère. Or, quoi que je fasse, j’y suis sujet. Je sais bien qu’il est dégradant de s’y livrer, je n’y puis rien. Si ; – j’arrive à ne pas passer à l’acte, à ne pas tirer les conclusions auxquelles mes "accès" devraient inévitablement me conduire. L’obsession de l’inanité universelle, c’est à elle que je dois de n’avoir pas commis quelque acte irréparable. Car je n’ai triomphé de la colère et surtout de ses suites que par le recours bienfaisant à l’à quoi bon ? (Cioran)
« Quand je me courrouce, c’est le plus vivement, mais aussi le plus brièvement et secrètement que je puis : je me perds bien en vitesse et en violence, mais non pas en trouble, si que j'aille jetant à l’abandon et sans choix toute sorte de paroles injurieuses, et que je ne regarde d’asseoir pertinemment mes pointes où j’estime qu’elles blessent le plus : car je n’y emploie communément que la langue. » (Montaigne)
Soit deux manières de ne pas laisser la fureur gouverner : la laisser s'éteindre toute seule par les mots et par simple épuisement physiologique chez Montaigne ; l’annuler par la philosophie, l'à quoi bon comme antidote, une sorte de sagesse négative chez Cioran.

