27 juin 2014

Évidé

« La vraie vacuité est
Comme un noble vase
Contenant du nectar.
Il recèle, mais ne sait quoi »

(Angelus Silesius, Le Pèlerin chérubinique)

15 juin 2014

Merveilleux

Pessoa est merveilleux, il garde cette admirable capacité à nous rendre heureux alors qu’il reste continuellement engoncé dans sa solitude, son abandon, son manque d’entrain pour une existence qui l’assomme de tout son poids ontologique. Il nous rend heureux parce qu’il n’est jamais doloriste, jamais sinistre, faisant preuve d’une magnifique inaptitude au bonheur et d’une encore plus magnifique aptitude à le rêver (rêvons notre bonheur).

11 juin 2014

Coulant

Pour Joubert il faut que les mots se détachent du papier, c’est-à-dire qu’ils s’attachent facilement à l’attention, à la mémoire ; qu’ils soient commodes à citer et à déplacer : « les mots liquides et coulants sont les plus beaux et les meilleurs, si l’on considère le langage comme une musique ; mais si on le considère comme une peinture, il y a des mots rudes qui sont fort bons, car ils font trait ».

29 mai 2014

Fraternel

« Vivre une vie cultivée et sans passion, au souffle capricieux des idées, en lisant, en rêvant, en songeant à écrire, une vie suffisamment lente pour être toujours au bord de l’ennui, suffisamment réfléchie pour n’y tomber jamais. Vivre cette vie loin des émotions et des pensées, avec seulement l’idée des émotions, et l’émotion des idées. Stagner au soleil en se teignant d’or, comme un lac obscur bordé de fleurs. Avoir, dans l’ombre, cette noblesse de l’individualisme qui consiste à ne rien réclamer, jamais, de la vie. Être, dans le tournoiement des mondes, comme une poussière de fleurs, qu’un vent inconnu soulève dans le jour finissant, et que la torpeur du crépuscule laisse retomber au hasard, indispensable au milieu de formes plus vastes. Être cela de connaissance sûre, sans gaieté ni tristesse, mais reconnaissant au soleil de son éclat, et aux étoiles de leur éloignement. En dehors de cela, ne rien être, ne rien avoir, ne rien vouloir… » (Fernando Pessoa, Le livre de l'intranquilité)

23 mai 2014

Foutrable

Flânant dans le Journal de Stendhal je constate que l’ami Beyle y est de plus en plus coquin. Il « enfile » une duchesse, croise quelques demoiselles assurément « foutrables » et semble assez émoustillé par une certaine Mme Genet dont il apprend par la bande qu’elle est charmante dans le plaisir et qu’elle a un si beau cul que la croisant il y a lieu d’être mille fois tenté de l’enc… (Selon son ami Jacqueminot qui aurait essayé trois fois sans parvenir à ses fins). Évidemment chez d’autres tout cela pourrait paraitre un brin vulgaire, chez Stendhal il n’en est rien (il est plus coquet qu’autre chose).

20 mai 2014

Tournicotant

Cioran était fait pour vivre dans un Empire qui craque. Il aurait aimé se prélasser dans la Vienne d’avant la guerre de 14. Il y aurait tournicoté autour d’Elizabeth d’Autriche, ce genre de choses. Malheureusement, il n’en fut rien, il se contenta de vivre dans la France d’après 1945, tournicotant autour de quiconque, restant septique et un poil morose, il faut bien l’avouer.

11 mai 2014

Songe-creux

« Je ne suis rien. Je ne serai jamais rien. Je ne peux vouloir être rien. A part ça, je porte en moi tous les rêves du monde. » (Fernando Pessoa, Bureau de tabac)

2 mai 2014

Dipsomane

Seul à boire, sans un compagnon.
Levant ma coupe, je salue la lune :
Avec mon ombre, nous sommes trois.

Li Po (701 – 762)

28 avril 2014

Chinois

Le poète Li Po serait mort noyé, une nuit d’ivresse, en tentant de saisir le reflet de la lune dans le fleuve Yang-Tse. Un trépas assez ballot, il faut bien l’avouer.

21 avril 2014

Angliciste

Stendhal, journal. Eté 1810, l’ami Beyle est de plus en plus empli d’anglicismes, le voilà happy there, and happy. Tout cela est très chic, « l’heureux petit nombre » est ravi.

10 avril 2014

Stoïque

Ma barbe pousse. Mes mots ne poussent plus. Je viens d’attraper une mouche dans la paume de l’une de mes mains. Je l’ai relâché au soleil. Le temps passe.

9 avril 2014

Vialatien

L'homme sage sait que les fleurs de rhododendron et les feuilles de laurier-rose sont vénéneuses. Bien qu'il en ait une grande envie, il ne mange donc jamais de couronne mortuaire et de décoration d'estrade.

4 avril 2014

Spirituel

L’Esprit donne la vie, mais ne me demandez pas comment.

23 mars 2014

Psychogéographique

En fin de dérive alcoolisée, les situationnistes s’échouaient sur le comptoir du Bar Bac. Ils y rejoignaient un Antoine Blondin tanguant, mais fortement amarré. C'était le bon temps.

19 mars 2014

Anarchiste

Lucheni, l’assassin de Sissi, cet anarchiste en pire, ne savait pas qu’il tuait une impératrice bien plus anarchiste que lui. Son petit acte commis, déçu de ne pas se voir exécuté il se pendit dans l’humidité d'un cachot bien mérité. Sa tête est habilement conservée dans le formol. On peut la voir au musée d’anatomie pathologique de Vienne. Ce sera sans moi.

18 mars 2014

Subarctique

Les Nénètses de l'extrême nord russe sont un brin excentriques. Lors des noces ils offrent la langue et le cœur cuits d’un renne aux nouveaux époux afin que ceux-ci n’aient plus qu’une seule langue et un seul cœur à partager. Cette chose faite, ils gambadent ensuite dans la toundra, sautillent sur la tourbe, valsent entre fougères et météorites calcinés par les vents solaires, ils sont d’une autre planète.
 

16 mars 2014

Gourmet

L’artichaut profite… en vain.

13 mars 2014

Lacrymal

« Il y a vingt-trois ans, j’ai écrit tout un livre sur les larmes. Et depuis, sans en verser une seule, je n’ai cessé de pleurer » (Cioran, Cahiers)

6 mars 2014

Hindou (2)

Autour du Taj Mahal tournent des vaches sacrées, certaines énormes, toutes blanches avec un air penaud, d’autres plus sybarites, avec des pattes en surplus, cinq, six pattes, voyez-vous…

1 mars 2014

Nociceptif

Le moindre mouvement me fait monter au cortex cérébral une somme non négligeable de stimulus nociceptif. Certainement l’un des grands avantages de l’âge.