12 novembre 2009

Embarrassé

Mars de Fritz Zorn. Je tournai autour depuis longtemps en le redoutant. Avec raison puisque lecture faite ce livre est effectivement redoutable, voir plus.

11 novembre 2009

Rêveur

« Vous devez toujours dormir sur votre dos avec vos bras au-dessus de votre tête, les mains jointes sous elle et les pieds croisés, le droit sur le gauche, à moins que vous ne soyez gaucher ; vous ne devez pas cesser un seul instant de penser où vous voulez aller dans votre rêve jusqu’à ce que vous soyez endormi ; vous ne devez jamais oublier dans votre rêve où vous êtes et ce que vous êtes lorsque vous êtes réveillé. Vous devez joindre le rêve à la réalité. N’oubliez pas ! »

(George du Maurier, Peter Ibbetson)

9 novembre 2009

Glandulaire

Serge Voronoff (1866-1951) juif russe fuyant les pogroms se retrouva, après moult péripéties, directeur du laboratoire de chirurgie expérimentale du Collège de France où il eut l'amusante spécialité de greffer un nombre raisonnable de testicules de chimpanzés sur quelques hommes avides de retrouver une vigueur perdue, ou presque.

Pour ce qui est des péripéties, entre les pogroms et le Collège de France, Voronoff avait commencé par tester sur lui-même ses revigorantes expériences. En 1889 il s’était injecté des tissus de testicules de cochon d'inde dans le scrotum avec un résultat problématique puisque nul quant à la vigueur. Pas découragé il s'oublia (et les cochons d'inde avec) un peu par la suite et poursuivis ses bidouillages sur d'autres bestioles moins rabat-joies... moutons, chèvres, taureaux... Les testicules de ces bestioles jeunes et pimpantes étaient transplantés sur d'autres, plus décrépites et ramollies avec cette fois-ci un résultat totalement concluant : les vieux boucs revivaient à la lubricité et Voronoff décida de passer derechef à l'étape suivante : l'homme et son corps spongieux !

Notre toubib madré commença par pratiquer la transplantation de testicules de criminels fraîchement exécutés sur des millionnaires rabougris. Le succès fut tel qu'il fut bientôt à court d'assassins assassinés ! Avec bonheur il utilisa alors en « remplacement » des testicules de chimpanzés et de babouins (on y vient) !
Au début des années 1930, des milliers d'hommes avaient ainsi été traités par les techniques revigorantes de Voronoff. Pour faire face à la demande, il fit bâtir sa propre ferme à singes à Menton et il employa un ancien gardien de cirque pour gérer et diriger le tout.
Ensuite ce fut le Collège de France et bizarrement le discrédit, un procès en charlatanerie et en psychosomatisme que rien ne pouvait laisser prévoir. Nous resterons silencieux quant à cette disgrâce que ne méritait visiblement pas le bon Docteur Voronoff.

P.-S. Outre une vigueur toute nouvelle, le traitement Voronoff était censé soigner la myopie, les troubles de la mémoire et la « dementia praecox » un bon remède en somme.

E. E. Cummings parle d'un « célèbre docteur qui insère des glandes de singe dans des millionnaires » (« famous doctor who inserts monkeyglands in millionaires »).

Dans les soirées chics des années vingt, les mots « glandes de singe » étaient sur toutes les lèvres.

7 novembre 2009

Patagon

« Il n'y a plus que la Patagonie, la Patagonie qui convienne à mon immense tristesse. »
(Blaise Cendrars, Prose du Transsibérien)


J’étais amoureux de la Patagonie bien avant ce triste individu, amoureux d’une terre inaccessible, d'une contrée inventée, d'une sorte de trouée poétique dans les brumes des mers du Sud, et Florent Pagny a souillé tout ça. Oui Florent Pagny est un tueur de rêves et il a une énorme dette envers les miens.

6 novembre 2009

Chic

Dans les années 20 le comble du chic consistait à manger des huîtres et des écrevisses, à boire du champagne jusqu’à n’en pouvoir plus et à verser les restes dans le piano à queue.

4 novembre 2009

Fétichiste

L'amour est l'uniforme de mon infirmière dénudée.

2 novembre 2009

Identitaire

Nous devrions délibérément tisser un cocon le plus clandestin possible au creux de nos « identités ».

1 novembre 2009

Nocturne

Novembre, la nuit est là trop tôt ; un mélange de bleus métalliques, de nuages ocre sur l’horizon. La pluie tombe comme un mercure léger, il n’y a plus grand-chose à faire. On restera au milieu des arbres, à l’écart d’un monde qui n’existe que pour les autres ; on attendra la vraie nuit, la seule, la nuit noire.

30 octobre 2009

Doux

« Je connaissais enfin une nouvelle espèce d’amitié, qui n’est point basée sur des goûts communs, et une espèce de passion de laquelle le désir n’est qu’un des éléments. Un sentiment non explicable en mots humains, et que je m’apprêtais en vain à traduire en un poème. Je commençais :
Tais-toi. N’explique rien : Tais-toi...
J’ai suivi le conseil... J’ai connu l’irrésistible puissance de la douceur... Et j’ai appris à manger les oranges d’une certaine façon... »

(Valery Larbaud, A.O. Barnabooth)

27 octobre 2009

Lucide

Il n’y a que la disparition qui vaille.

26 octobre 2009

Cinétique

Le mouvement devient indivisible et sans fin. D’une ampleur abstraite, d’une variété sensible, c'est lui que nous relions avec lui-même. Ce n'est pas avec la distance, que le vrai, le seul mouvement se place, s’accoutume, cherche et trouve son point de pression avec le monde.

24 octobre 2009

Bovien

« Une rue droite montait devant moi. J'aime à me trouver sur une hauteur, devant un espace large. J'ai besoin de voir aussi loin que mes yeux le permettent, de voir jusqu'où s'étend l'air que je respire. Mes peines deviennent moins grandes. Elles se confondent peu à peu avec celles de tous ceux qui m'entourent. Je ne suis plus seul à souffrir. De penser que, dans l'une de ces maisons qui s'étendent à perte de vue, vit un homme qui me ressemble peut-être, me réconforte. Le monde m'apparaît alors moins lointain, ses joies et ses douleurs, plus profondes et plus continues. Je pris la rue en pente. Des enfants y jouaient à la balle, les petits en haut, les grands en bas, pour que leurs chances fussent égales. »

(Emmanuel Bove, Armand)

21 octobre 2009

Chargé

Je suis plus alcoolique qu'ecstazeux. L’ecstasy me fait tout chaud avec la bouche pâteuse ; cela favorise certainement le cunnilingus abrasif, mais c’est parfois gênant pour qui affectionne une pratique plus lustrée.

18 octobre 2009

Transtextuel

Au risque d’effrayer le moindre quidam environnant, on ne parlera pas ici de la multifocalisation chez Stendhal. J’ai autre chose à faire, un apéro avec Gerard Genette, il adore les chips goût bacon.

16 octobre 2009

Soviétique

J’ai frôlé le coma éthique sur les bords de la Volga. À Ouglitch il y avait une horde de chiens sauvages et des petits jeunes qui se consumaient dans la vodka-bière. Les trottoirs étaient affaissés et les autobus rouillés. Sinon la Moscovite est bien jolie...

11 octobre 2009

Triste

Jacques Chessex est mort, d'énervement à propos de l’ « affaire Polanski », ce n’est pas une très bonne nouvelle...

9 octobre 2009

Cubiste

L'individu misérable, anéanti, et replié avec ses sens en lui-même n'y trouvera aucun réconfort, il se révélera par contre très à l'aise devant le moindre obstacle, bien malgré le côté cubiste de sa position initiale.

7 octobre 2009

Psychopathe

Il est 23 heures. J’ai un nouveau voisin. Un marteau en main il tape déjà sur les murs.

Méthodiquement je prépare une bâche et une scie égoïne pour demain soir. Moi je « travaillerais » en silence.

5 octobre 2009

Nabokovien (bis)

« Lolita est une petite fille ; Lola est en âge de se marier, Dolores a trente ans [...]. Un jour, inspiré par l'amour, je murmurerai : Lola. Et le soir de mes noces, j'aurai Lolita dans mes bras. [...] Pour tout le monde : dona Dolores ; pour moi seul : Lolita. Et cela même ne suffit plus. On adopte un mot tendre, un mot enfantin : Nena, Nenita. »

(Valery Larbaud, Des prénoms féminins)

1 octobre 2009

Insubmersible

Ma « rentrée littéraire » sera brumeuse et essentiellement locale puisque j’enchaine par un quasi voisin lyonnais : Robert Alexis et son U-Boot chez José Corti.

« L'immersion chasse pour un temps les simulacres et conduit vers cet ailleurs éclairé des formules tragiques de la création »

Le sous-marin est un beau véhicule qui outre la navigation subaquatique ouvre moult écoutilles digressives. On se retrouve ainsi plongé dans les confidences d'un marin à la sexualité plus déviante que ma main droite, dans les souvenirs d'un autre happé par la fatalité dégueulasse du groupe, le nazisme, les origines du nazisme, ce genre de chose... mais toujours dans une pâte légère et impressionniste, avec du mystère et un beau style (poétique et désuet ?). Le sous-marin est un lieu favorable à l'introspection et à ses épanchements, une fois échoué sur une île tropicale qui passait par là, il n'est plus qu'un objet hétéroclite autour duquel tourne deux trois sauvages. Conrad et Kurtz rodent et le panthéisme avec.
On dira que tout ça commence chez Jules Verne, passe par Gracq pour mieux finir chez Conrad.

N. B. Les deux dernières pages en forme de pirouette sont ratées et trop malignes pour être honnêtes , c'est dommage le reste est presque impeccable.