15 mai 2008

Noblesse

Le prince S, jaloux, ne sortait jamais sans avoir préalablement immobilisé sa femme en enfermant à clef sa natte, une natte fort longue, dans le tiroir de son bureau. Un bureau en acajou, le teck n’existait presque pas à l’époque. Le prince G, lui, ne quittait pas son pistolet qu’il utilisait à des fins ordinairement domestiques : il le déchargeait dans la cheminée pour convoquer ses valets, par la fenêtre pour saluer ses amis, sur les murs pour occire efficacement les punaises et autres bestioles chatouilleuses. Le prince Stourdza, baptisé Stourdza le veau par ses administrés concupiscents, était lui un colosse planté sur de courtes jambes ; il s’était développé les muscles du torse en portant tous les matins un petit veau jusqu’à ce que ce dernier devienne un bœuf de gabarit raisonnable; les tours de draisienne qu’il faisait par la suite dans le salon de son palais n’avaient par contre pas suffi à lui allonger les tibias, qui eux, restaient désespérément courts.. Le prince Stourdza ne quittait jamais sa femme ; même du regard, sauf les soirs de bal, où du haut de l’escalier, dressé sur ses gambettes, il disait à ses convives : « le buffet à droite, la princesse à gauche »

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