28 février 2008

Grande tristesse de l’ensemble

« Depuis quand à Paris, les arbres s'abattent-ils sur des poètes en promenade et leur fracassent le crâne ? »
Klaus Mann

Les racines ? Non-merci je préfère les branches ! Oui Rilke, les anges, la cime des arbres. Ce faîte là, les branches, les frondaisons, ces racines buvant le ciel. Il n’y a pas d’autres racines possibles. Pas les tristes tubercules de Maurice Barrès.. Pas de glaise, d’humus gras et de limon national… Il y a Rilke, Rilke et Bachelard, Bachelard et Baudelaire, l’air et les songes, les nuages, les merveilleux nuages. Il faut aimer les nuages et il faut aimer les étrangers qui les regardent passer. Il faut savoir contempler le ciel à travers les branches et ne pas trébucher dans d’hypothétiques racines…

Les racines ? Les branches ! Un jour de juin 1938 une tornade incongrue s’abat sur Paris ; elle fait deux morts : un quidam incertain, trépassé au bois de Vincennes, et devant le théâtre Marigny ; un passant assassiné par la branche maîtresse d’un arbre de belle taille. Triste concordance avec notre sujet, le passant était Ödön von Horváth romancier et dramaturge mittleuropa réfugié à Paris à l'abri des sinistres païens à flambeaux teutoniques. Ödön von Horváth qui devait quitter Paris le lendemain pour l’Amérique. Voilà qu’en sortant du Fouquet’s, une tornade, une branche et derechef un nouveau membre de la vaste communauté des trépassés. Curieux destin, moins tragique que celui de Stefan Zweig ou Walter Benjamin défunts plus sombres, car conscients de leur trépas, eux... Néanmoins circonstances curieuses et somme toute grande tristesse de l’ensemble.

« Je n’ai pas de pays natal et, bien entendu, je n’en souffre aucunement. Je me réjouis au contraire de ce manque d’enracinement car il me libère d’une sentimentalité inutile... » Pour paraphraser et synthétiser le bienheureux Bernard Frank : « avec un ton pareil, c’était l’Amérique, la branche d’arbre ou les camps. »

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