29 décembre 2012

Stendhalien

Le Sartre posé sur son tonneau et haranguant l’ouvrier de Billancourt était un brin fatiguant. Le Sartre des Mots l’était moins. Le Sartre vaguement stendhalien ne l’était pas du tout : « Un homme heureux est aujourd’hui si solitaire qu’il faut bien expliquer son sentiment : il parle de couleurs aux aveugles ».

21 décembre 2012

Apocalyptique

Finalement ce monde d’abusion* est toujours là. On le trouvera durable comme une replète masse nonsensique persistante. On aura bien raison de le trouver ainsi. On s’ennuiera aussi.

 * « Ce monde n'est qu'abusion » (Villon).

15 décembre 2012

Gouteux

Pour Warhol le mauvais goût fait passer le temps plus vite. Pour Stendhal il conduit au crime. Wilde, qui lui est bien plus malin, se contente d’avoir bon goût.

14 décembre 2012

Jésuite

Baltasar Gracián qui n’était pas le dernier des jésuites venu pensait qu’il fallait « jouir lentement et agir vite ». Cependant, le quidam ordinaire du XXIe siècle, ce quidam qui n’est rien du tout et qui est encore moins jésuite, pourrait lui rétorquer qu’une belle et lourde lenteur n’a jamais empêché une belle et lourde jouissance.
 Il y a certainement une pléiade d’écrivains qui font avec la célérité, la concision  ; des écrivains qui jouissent longtemps et qui agissent vite (Saint-Simon, Vivant Denon…) Il y en d’autres qui font avec la durée, l’atermoiement, une authentique lourdeur, leur jouissance n’en garde pas moins la capacité d’être aussi longue que leurs phrases (John Cowper Powys, Paul Claudel…)

7 décembre 2012

Nocturne

Nous voici verticaux sous l'étoile

Craignez de réveiller la furtive endormie.

« A peine entrons-nous dans le sommeil que l'espace s'amortit et s'endort — s'endort un peu en avance sur nous-mêmes, perdant ses fibres et ses liens, perdant ses forces de structure, ses cohérences géométriques. L'espace où nous allons vivre nos heures nocturnes n'a plus de lointain. Il est la toute proche synthèse des choses et de nous-mêmes. Rêvons-nous d'un objet, nous entrons dans cet objet comme en une coquille. Notre espace onirique a toujours un coefficient central. Parfois, dans nos rêves de vol, nous croyons aller bien haut, mais nous ne sommes alors qu'un peu de madère volante. Et les cieux que nous escaladons sont des deux tout intimes — des désirs, des espoirs, des orgueils. Nous sommes trop étonnés de l'extraordinaire voyage pour en faire une occasion de spectacle. Nous restons le centre même de notre expérience onirique. Si un astre brille, c'est le dormeur qui s'étoile : un petit éclat sur la rétine endormie dessine une constellation éphémère, évoque le souvenir confus d'une nuit étoilée. » (Gaston Bachelard, L'espace onirique)

« Et le cours des astres, entre minuit et l'aube, ne me semble plus charrier que des cris éphémères et fragiles ; et quand ces cris parviennent à leur point le plus frêle, alors sur la pointe la plus tremblante du monde d'à présent, je dors un instant ; je prends pour oreiller ce qu'il y a de plus flottant au monde et ma vie, avant que viennent les rêves, tangue de songes. » (Armand Robin, Fragments)

1 décembre 2012

Hivernal

« L’homme, en décembre, saute sur place et se frappe les mains avec violence : c’est pour mieux faire circuler le sang. La cigogne reste en Égypte. L’escargot se bouche. La vipère, ankylosée par le froid, ne mord plus, mais le tigre reste dangereux. On le piègera dans la jungle en ayant soin de faire le moins de bruit possible pour ne pas l’effrayer trop tôt. » (Alexandre Vialatte, L’almanach des quatre saisons).