25 octobre 2015

Aimant

Je me suis longtemps méfié de Cioran, je ne voyais en lui que le chantre facile d'un pessimisme fatiguant… et puis j'ai ouvert ses Cahiers : « Toutes mes contradictions viennent de ce qu'on ne peut aimer la vie plus que je ne l'aime, ni ressentir en même temps et d'une manière presque ininterrompue un sentiment d'inappartenance, d'exil et d'abandon ».

Batracien

S'agissant des grenouilles vertes il faut savoir que le mâle gonfle ses « sacs vocaux » de temps à autre, même sans chanter, et surtout au moment de la reproduction. Il faut également savoir que ses pattes avant sont pourvues de callosités lui permettant de s’agripper adroitement aux femelles lui passant à portée de rut. Ce n'est pas rien, il faut bien l'avouer.

23 octobre 2015

Ancillaire

Je tiens à préciser que je n'aime guère « faire la vaisselle ». Allergique à la monstrueuse idée moderniste d'une machine qui pourrait accomplir cette tâche pour moi, il me faudrait donc dans l'absolu dégoter un petit personnel prévu à cet effet. Certes, je ne serais alors aucunement à l'abri de quelques encombrants amours ancillaires, mais mes assiettes, couverts et autres casseroles retrouveraient un éclat virginal sans effort superflu et l'essentiel serait sauvé.

15 octobre 2015

Étonnant

La compagne d'Émile Cioran s'appelait Simone Boué, elle fut retrouvée morte noyée au pied d'une falaise, cela ne s'invente pas.

11 octobre 2015

Roumain

« L’enterrement de Cioran, qui eut lieu au cimetière Montparnasse en 1995, fut peut-être, pour moi qui y assistais un peu de loin, son chef-d’œuvre absolu quoique involontaire. Madame Ionesco avait réussi à convaincre Simone, assez réticente, d’accorder à Cioran les honneurs funèbres prévus par le rite orthodoxe de Roumanie : messe ponctuée par le sermon d’un pope suppliant Dieu de pardonner à Cioran ses abominables écrits, enterrement au cimetière selon les rites stricts de l’Église roumaine qui prévoit, autour de la fosse encore vide, une théorie de bouteilles (remplies du fameux saint-émilion dont j’ai déjà parlé), ainsi qu’un certain gâteau des morts dont tous les assistants devaient manger un morceau arrosé d’un demi verre de vin. Or, avant que le convoi funèbre ne soit parvenu au cimetière, les fossoyeurs, qui avaient remarqué la présence de victuailles déposées au bord de la fosse et les avaient prises pour une sorte de pourboire à eux destiné, en avaient consommé la moitié avant de mettre l’autre moitié à l’abri de leur cabanon, voyant l’assistance qui approchait. Interrogés, les fossoyeurs se contentent de remercier du cadeau, avant qu’on leur explique leur méprise. Des négociations commencent alors à la porte du cabanon, qui butent sur un compromis dont les fossoyeurs en pleine révolte qui, sous l’emprise d’un meneur de choc, considèrent que le reste du butin leur appartient, ne veulent pas en démordre : ils rendront bien, si on l’exige, les bouteilles encore pleines et la moitié du gâteau ; mais cette brimade et ce « manque à gagner » aura pour contrepartie une autre brimade : ils n’enterreront pas Cioran. Grève illimitée du personnel du cimetière de Montparnasse. Un accord fut long à trouver et je pus croire un moment que Cioran, qui en avait tant besoin, serait à jamais privé de repos éternel.» (Clément Rosset, Cahiers de L'herne Cioran)