29 décembre 2012

Stendhalien

Le Sartre posé sur son tonneau et haranguant l’ouvrier de Billancourt était un brin fatiguant. Le Sartre des Mots l’était moins. Le Sartre vaguement stendhalien ne l’était pas du tout : « Un homme heureux est aujourd’hui si solitaire qu’il faut bien expliquer son sentiment : il parle de couleurs aux aveugles ».

21 décembre 2012

Apocalyptique

Finalement ce monde d’abusion* est toujours là. On le trouvera durable comme une replète masse nonsensique persistante. On aura bien raison de le trouver ainsi. On s’ennuiera aussi.

 * « Ce monde n'est qu'abusion » (Villon).

15 décembre 2012

Gouteux

Pour Warhol le mauvais goût fait passer le temps plus vite. Pour Stendhal il conduit au crime. Wilde, qui lui est bien plus malin, se contente d’avoir bon goût.

14 décembre 2012

Jésuite

Baltasar Gracián qui n’était pas le dernier des jésuites venu pensait qu’il fallait « jouir lentement et agir vite ». Cependant, le quidam ordinaire du XXIe siècle, ce quidam qui n’est rien du tout et qui est encore moins jésuite, pourrait lui rétorquer qu’une belle et lourde lenteur n’a jamais empêché une belle et lourde jouissance.
 Il y a certainement une pléiade d’écrivains qui font avec la célérité, la concision  ; des écrivains qui jouissent longtemps et qui agissent vite (Saint-Simon, Vivant Denon…) Il y en d’autres qui font avec la durée, l’atermoiement, une authentique lourdeur, leur jouissance n’en garde pas moins la capacité d’être aussi longue que leurs phrases (John Cowper Powys, Paul Claudel…)

7 décembre 2012

Nocturne

Nous voici verticaux sous l'étoile

Craignez de réveiller la furtive endormie.

« A peine entrons-nous dans le sommeil que l'espace s'amortit et s'endort — s'endort un peu en avance sur nous-mêmes, perdant ses fibres et ses liens, perdant ses forces de structure, ses cohérences géométriques. L'espace où nous allons vivre nos heures nocturnes n'a plus de lointain. Il est la toute proche synthèse des choses et de nous-mêmes. Rêvons-nous d'un objet, nous entrons dans cet objet comme en une coquille. Notre espace onirique a toujours un coefficient central. Parfois, dans nos rêves de vol, nous croyons aller bien haut, mais nous ne sommes alors qu'un peu de madère volante. Et les cieux que nous escaladons sont des deux tout intimes — des désirs, des espoirs, des orgueils. Nous sommes trop étonnés de l'extraordinaire voyage pour en faire une occasion de spectacle. Nous restons le centre même de notre expérience onirique. Si un astre brille, c'est le dormeur qui s'étoile : un petit éclat sur la rétine endormie dessine une constellation éphémère, évoque le souvenir confus d'une nuit étoilée. » (Gaston Bachelard, L'espace onirique)

« Et le cours des astres, entre minuit et l'aube, ne me semble plus charrier que des cris éphémères et fragiles ; et quand ces cris parviennent à leur point le plus frêle, alors sur la pointe la plus tremblante du monde d'à présent, je dors un instant ; je prends pour oreiller ce qu'il y a de plus flottant au monde et ma vie, avant que viennent les rêves, tangue de songes. » (Armand Robin, Fragments)

1 décembre 2012

Hivernal

« L’homme, en décembre, saute sur place et se frappe les mains avec violence : c’est pour mieux faire circuler le sang. La cigogne reste en Égypte. L’escargot se bouche. La vipère, ankylosée par le froid, ne mord plus, mais le tigre reste dangereux. On le piègera dans la jungle en ayant soin de faire le moins de bruit possible pour ne pas l’effrayer trop tôt. » (Alexandre Vialatte, L’almanach des quatre saisons).

30 novembre 2012

Lumineux

Celan au bord du silence, vaincu, renonçant, s’effaçant dans les eaux de la Seine où il trouve une mort qu’il avait cherché : « Je fais de la lumière derrière moi ».

23 novembre 2012

Mallarméen

Chez Mallarmé la syntaxe est une structure spirituelle où les mots tombent naturellement les uns sur les autres. Le lecteur est dubitatif ; il trouve tout cela bien mystérieux ; c’est pourtant si simple :

« Attribuons à des songes, avant la lecture, dans un parterre, l’attention que sollicite quelque papillon blanc, celui-ci à la fois partout, nulle part, il s’évanouit ; pas sans qu’un rien d’aigu et d’ingénu, où je réduisis le sujet, tout à l’heure ait passé et repassé, avec insistance, devant l’étonnement. »

16 novembre 2012

Balnéaire

Les Grecs se baignaient, les Romains se baignaient aussi. Ils nageaient des îles Lipari à Syracuse, se trempaient à Ostie, dans le Golfe de Naples avec Capri dans le fond. Après l’antiquité — il y a beaucoup de choses après l’antiquité —, il faudra attendre un certain temps avant que la baignade revienne au goût du jour. La toute fin du XVIIIe siècle verra, outre quelques têtes malencontreusement coupées, une mince cohorte se risquer à remettre un orteil dans l’eau. La trempette « renaîtra » petit à petit et presque insidieusement tout au long du XIXe siècle. On barbotera, mais toujours en habits et à l’abri des regards. Les bains de mer de l’impératrice Eugénie se faisaient, par exemple, dans des baignoires que l’on avait au préalable remplies d’une eau forcement tiède. Il faudra attendre 1900 pour voir le baigneur déshabillé, en vêtements de dessous, et 1925 pour voir la première nageuse nue, une « nudité intrépide ».

13 novembre 2012

Marsupial

« Comme le cosmos est petit (une poche de kangourou le contiendrait), comme il est dérisoire et piteux comparé à la conscience humaine, à un seul souvenir d'un individu et à son expression par des mots ! » (Vladimir Nabokov, Autres Rivages).

11 novembre 2012

Reptilien

Les gestes belliqueux formés par la partie reptilienne de notre cerveau sont aussi des gestes artistiques ; des gestes artistiques terribles, mais des gestes artistiques tout de même.

9 novembre 2012

Shakespearien

How goes the world ? It wears, sir, how it grows.

1 novembre 2012

Pelmazoïdaire

Les feuilles de Tallipot sont si grandes qu’elles peuvent servir de tente au pèlerin, d’ombrelle ou de grand parapluie au prêtre, de baldaquin au roi et de manuscrit à l’écrivain prolixe. Ce n’est pas rien et il faut que vous le sachiez.

29 octobre 2012

Compendieux

Lorsque la fatigue est là, il nous faut être économes de nos mots comme nous devons être économes de nos mouvements. Lassitude et concision font alors bon ménage. Nous avançons compendieusement, notre lenteur n’est qu’une autre vitesse, la nudité ascétique de nos petites phrases n'offre qu'une autre façon de sautiller sur le monde. Tout est pour le mieux.

27 octobre 2012

Madréporique

Cette semaine fut essentiellement saumâtre et saupoudrée de désagréables éclats madréporiques.Sachez-le.

23 octobre 2012

Confraternel

Les héritiers : Roussel, Larbaud. Les employés de bureau : Kafka, Pessoa. Les médecins : Céline, Chauviré. Les diplomates : Claudel, Giraudoux. Les ouvriers : Navel, Poulaille. Le domestique : Walser. Le « manœuvre de chantier » : Thierry Metz.

20 octobre 2012

Fruitier

Avant toute chose, rechercher la simplicité. Faire en sorte que les mots tombent naturellement comme s’ils étaient de beaux fruits mûrs. Ensuite…

16 octobre 2012

Routinier

Levé 6 h 10. Marché 2,5 km. Un chat mort sur la route. Labeur. Sieste. Grand calme. Lu une nouvelle de Saki (adorable et indigne) puis quelques pensées de Joseph Joubert. « Penser ce que l’on ne sent pas, c’est mentir à soi-même. Tout ce qu’on pense il faut le penser avec son être entier, âme et corps ». Bu un thé indien périmé dans un nouveau mug bleu Klein. Rien de plus.

13 octobre 2012

Titubant

Tout titube, tinte et titille. Tout glisse et s’émiette.

11 octobre 2012

Gonalgique

La gonalgie qui m'agace le genou gauche me donne des airs de diable boiteux. Ce n'est pas rien.

8 octobre 2012

Plagiste

« La plage d’Arcachon est trop tiède, trop lointaine, trop élégante, trop casquette de yachting » (Paul Morand, Bains de Mer)

2 octobre 2012

Chinois

« Et quand il eut dépassé le pont, les fantômes vinrent à sa rencontre » (Murnau, Nosferatu)

« Une légende chinoise raconte qu'un ministre des empereurs Han, s'étant égaré un jour dans les montagnes au milieu d'un épais brouillard, se trouva tout à coup en présence d'une stèle ruinée sur laquelle il parvint avec peine à déchiffrer cette inscription : Limite-des-deux-mondes. » (Paul Claudel, Art Poétique)

1 octobre 2012

Dandy

Lord Byron n’était pas le dernier des croquignolets. À Venise il avait pris l'habitude de se jeter tout habillé dans le Grand Canal. On pouvait le voir nager la tête bien haute son cigare toujours à la bouche et tenant dans sa belle main gauche une lanterne allumée qui lui permettait d’éviter les gondoliers trop nombreux.

29 septembre 2012

Hygiéniste

Les corps de notre époque sont sans aspérités et sans pudeur. Ce sont des corps de nourrissons adultes.

27 septembre 2012

Italien

Dal mezzo dell’estate vediamo l’inverno.

23 septembre 2012

Rien

Rien, un rien enrichi, un rien absolu, un rien qui s’appuie sur tous les bords disponibles du vide.

21 septembre 2012

Insatisfait

Appliqué à reconstituer l’image éphémère de moi-même, je suis l’insatisfait, le défunt, l’océan.

17 septembre 2012

Reposé

L’intelligence nous fatigue. La bêtise nous repose.

16 septembre 2012

Las

J'ai regardé le plafond. Il ne bougeait pas, je ne bougeais pas non plus. Nous étions tous deux hypnotisés par notre lassitude commune.

14 septembre 2012

Sans prétention

Si Chateaubriand ne fit pas paraitre ses mémoires de son vivant, ce n’est certainement pas par crainte de ses très faibles contemporains, non c’est surtout parce qu’il écrivait comme absent de lui-même, assis dans son cercueil avec pour uniques compagnons le flot des souvenirs et la prescience d'une immense postérité.

12 septembre 2012

Talmudique

Le Talmud nous apprend qu’un homme ayant eu une émission séminale est tenu de s’immerger dans un bain rituel avant d’être autorisé à lire les textes sacrés. Il lui faut alors réciter mentalement le Chema' les pieds dans l’eau et sans les bénédictions habituelles. Tout cela est assez compliqué, l’abstinence est bien plus simple.

10 septembre 2012

Royal

Louis XIV aimait beaucoup la guerre. Il assistait aux batailles depuis son carrosse avec une ou deux maitresses assises sur ses genoux. Rentré à Versailles il s’y ennuyait très vite. Il partait alors à la chasse et tuait bravement des perdrix par milliers.

9 septembre 2012

Félin

Certains philistins recensent la cervelle de chat comme substance létale. Elle est pourtant sans aucun danger, il suffit de la consommer avec modération et avec un bon tokay hongrois elle passe très bien.

4 septembre 2012

Lymphatique

« Si l’apathie est, comme on le dit, de l’égoïsme en repos, l’activité, qu’on vante tant, pourrait bien être de l’égoïsme en mouvement. Ce serait donc l’égoïsme en action qui se plaindrait de l’égoïsme en repos. »

(Joseph Joubert, Pensées, essais et maximes)


2 septembre 2012

Circulaire

Je préfère rester au croisement de plusieurs cercles qu’au centre d’un seul.

31 août 2012

Douloureux

J’emploie au quotidien l’étoffe qui m’a été donnée par la douleur.

30 août 2012

Reposé

La sieste n’est qu’une pause consciente que l’on voudrait voir durer, le vrai sommeil n’est qu’un prélude inconscient à la mort.

21 août 2012

Chaud

38°. En ces temps caniculaires il vous faudra savoir rechercher l’immobilité la plus aboulique qui soit, une fois cette immobilité trouvée vous attendrez que le temps passe. Pour vous occuperez l’esprit vous regarderez fixement le plafond tout en espérant qu’une vénielle masse d’air frais ose vous câliner la nuque. Vous n’aurez rien d’autre à faire que de rester stoïque telle une statue molle qui songe. La fraicheur tombera bien un jour, la fraicheur tombe toujours.

13 août 2012

Alifère

« je reprends ma joie et mes ailes, et je vole à d’autres clartés ».

(Joseph Joubert, Pensées)

11 août 2012

Ballotant

Permettez-moi de rester cette chose indicible qui ballote en creux.

1 août 2012

Olympique

Depuis que le tir à l'arc est apparu sur terre, trois espèces d’ennemis l’ont constamment attaqué : les gens pressés, les philistins et les vendeurs de casquettes frivoles qui détruisent tout en riant. Je pense que ces sinistres sirs ne pourront jamais rien contre une activité aussi calme, aussi reposante, une activité où l'on se permet de rester rondouillard tout en gardant en permanence un air doux et sympathique. Le tir à l'arc est immuable, l’archer sous son bob beige n’est qu’un Cupidon moins compliqué, l’amour le courbe et son arc ne revient pas à son point de départ en vain.

31 juillet 2012

Ombrageux

Le problème des hauteurs c’est que l’on n’y rencontre guère d’ombre.

30 juillet 2012

Balte

Le Balte croit volontiers aux forces surnaturelles. Ainsi, certains comportements sont à bannir en sa présence : siffloter dans une maison éloigne la prospérité, serrer la main d’un autre Balte dans l’embrasure d’une porte est un signe d’hostilité (il faut le faire à l’intérieur de la maison ou, faute de mieux, sur le palier), allumer une cigarette à la flamme d’une bougie attire les mauvais esprits et chanter dans un sauna n’apporte que du malheur.

13 juillet 2012

Assis

Selon la tradition en vigueur dans l’île de Chypre, il faut cinq chaises pour bien s’assoir : une chaise pour le postérieur et une chaise pour chaque membre. Dans cette position le Cypriote peut sans problème boire de l’ouzo tout en mangeant du poulpe séché ; il peut aussi dire du mal des Anglais et des Turcs en toute quiétude.

10 juillet 2012

Serbo-croate

On parle le chtokavien en Slavonie et en Dalmatie intérieure. On parle le tchakavien dans le Kavner en Istrie et en Dalmatie insulaire (36 % des Istriens parlent l'italien). On parle le kaïkavien autour de Zagreb. Les Croates d'Autriche parlent le croate du Burgenland, c'est une langue qui ressemble un peu au tchakavien. À Dubrovnik on parle en allemand...

1 juillet 2012

Papiste

Les papes n’auront pas toujours eu ce côté tranquille et rangé des papamobiles que l’on retrouve chez Benoît XVI. Ainsi, Paul II se plaisait à faire courir devant lui une petite armée composée de chevaux, d’ânes, de bœufs, d’enfants, de vieillards et même de juifs que l’on avait au préalable empiffrés afin de les rendre plus lourds. Tout cela était d’une drôlerie à s’en tenir les côtes. En dehors de la rigolade Paul II affectionnait aussi beaucoup les jeunes pages (amour fatal, puisque c'est en « compagnie » de l’un d’eux qu'il mourut d’une crise cardiaque).
Léon X, quand il ne chassait pas le cerf et le sanglier, entretenait un moine capable « d’avaler un pigeon d’une bouchée et d’engloutir quarante œufs de suite ». Il faisait également servir à sa table des mets pour le moins étonnants : « des singes, des corbeaux ou d’autres animaux, dont la chair coriace, insipide, ou de mauvais goût, trompait toute friandise et tout appétit ». Les convives étaient généralement surpris et les bouffons pouvaient sautiller tout en faisant tinter leurs grelots.

25 juin 2012

Hatemien

Hatem Ben Arfa et Nietzsche inévitablement ça coule de source. Mais aussi Kant oui singulièrement Kant : La beauté n’est pas dans la chose en elle-même, mais dans son interprétation. Un drible n’est pas beau en lui-même, il est beau quand il parvient à faire se lever une assistance transportée. Nietzsche, Kant et Freud : La beauté survient du moi passe par le monde et revient vers le surmoi. Hatem en est tellement sous conscient qu’il se gâche. Le voilà qui tourne dans un rond fatal où il lui faut être le soubassement de la beauté tout en étant oublieux du prétendu collectif et de son agrégat de surmoi(s) (l’équipe). Ainsi comme tous les petits artistes, Hatem n'est jamais avec les autres, il est aux lisières des autres, seul, en tête-à-tête avec la beauté (et le ballon) qui choit de lui. Les vrais grands artistes, eux, ces salauds parviennent à laisser choir la beauté tout en enveloppant l’univers dans leurs grandes pattes frémissantes. Là est le chemin pour Hatem.Trouver les autres, le monde et l'univers.Trouver un point de contact avec Nietzsche et Kant, oublier Freud et son antithétique Artaud, Hatem…

22 juin 2012

Bousculatoire

« On ne bercera jamais assez les enfants, du temps de leur prime jeunesse. Et même je serais d’avis qu’on usât, pour les calmer, les endormir, d’appareils profondément bousculatoires. Pour moi, qui fus élevé selon des méthodes rationnelles, je ne connus jamais, de par ordre de ma mère, que des lits fixes ; grâce à quoi je suis aujourd’hui particulièrement sujet au mal de mer. »

(André Gide, Voyage au Congo)

18 juin 2012

Dédoré

La Rome d'Hippolyte Taine n’est pas celle de Stendhal, elle est beaucoup plus sale ; une saleté de bric-à-brac, avec des toiles d’araignées, l’odeur du moisi et la vue de toutes ces choses autrefois précieuses maintenant laissées à l’abandon : « dédorées, mutilées, dépareillées ». Elle ressemble à l’atelier crasseux d’un vieux peintre mal peigné qui aurait fait faillite. Tout cela vous donnerait presque des idées funestes.

16 juin 2012

Bohémien

La bohémienne est bien jolie, elle est toute débraillée dans des volants verts, jaunes ou magenta, elle vous fixe de ses yeux brulants, sa démarche est ondulée, la souplesse fragile de ses poignets vous pince le cœur. La bohémienne à quelque chose d’indien, on pourrait la croire encore sur les berges de l’Indus.

10 juin 2012

Léger

Ensaché dans ma toute nouvelle légèreté, je m’élève vers la richesse des hauteurs.

Bachelard était plus souvent ensaché par sa propre légèreté que plombé par la gravité. Jules Renard était soulevé par ses petits ballons. Pour Novalis la pesanteur était une entrave qui empêchait la fuite vers le ciel. Nietzche flottait dans l’air comme un lourd-léger ; la profondeur était au-dessus de lui. Milosz tombait de bas en haut dans l’abîme divin. LF Céline trouvait les hommes bien lourds…

9 juin 2012

Athlétique

Malgré ses mines civilisées, la renaissance était une époque bien périlleuse, on s’y bâtait souvent et même les artistes les plus raffinés avaient pour eux les rudes manières de leur temps. Michel Ange se promenait toujours avec un petit poignard ; il savait donner coups de poing et coups d'épée, c’était un type fort et agile ; une brute athlétique remplie de formes et d’attitudes.

8 juin 2012

Abimé

Nous ne désirons pas comprendre ce qui nous attire vers l’abime, non ce que nous désirons c’est l’énigme, le non-organisé, le non-résolu de l’abime.

6 juin 2012

...

5 juin 2012

Diariste

On badine. On se fait branler. On est charmé au point de se sentir sur le bord de l’amour. On contracte les habitudes raisonnables qui assurent le bonheur. Voilà c'est le journal de Stendhal.

29 mai 2012

Immobile

« On me croit immobile dans le fleuve. C’est que je nage à contre-courant et que ma force est égale à celle du courant ». 

(Vincent La Soudière, Brisants)

25 mai 2012

Faux

« Cher Roger, Je montrais à Braque un faux Braque, faux, mais très bien imité, jusqu'à la signature. Comme il faisait la grimace :

— Enfin, ce sont bien là vos couleurs : ce brun ne me trompe pas, ni ce violet.
— Ce sont bien mes couleurs.
— C'est votre composition ; ce sont bien vos traits ; c'est votre atmosphère.
— Pas de doute.
— Vous auriez pu le peindre.
— Croyez-vous que je ne sois pas capable de faire des faux Braque ?
— Qu'est-ce que vous lui reprochez enfin ?
— C'est qu'il serait plutôt le contraire d'un Braque.
— Comment l'entendez-vous ?
— Je vais vous dire : il est beau. »

(Jean Paulhan-Roger Caillois, Correspondance)

24 mai 2012

Vipérin

La vipère n’est pas cette bestiole sournoise et chuintante que Pline décrit. Toute fraiche et encore bébé vipère elle ne se fraye pas un chemin à travers les entrailles de sa mère pour mieux les manger ensuite. Plus vieille et en âge de forniquer elle ne coupe pas de ses dents la tête du mâle qui a l’honneur de la besogner. Non la vipère ne tue pas systématiquement père et mère, s’il elle le faisait il n’y aurait jamais plus d'autres vipères et la vipère n’est pas si idiote que ça. Pline a donc tort sur ce coup-là.

22 mai 2012

Menteur

Concernant ces deux bestioles un peu démodées que sont la salamandre et L’amphisbène il ne faut pas trop croire les anciens, la première n’est pas plus ignifugée que ça et la seconde n’a pas plus de têtes que vous où moi. (J’ose espérer que vous n’avez qu’une tête.)

9 mai 2012

Grand

En étendant les bras, je touche le plafond. Il n'est pourtant pas si bas, je dois être grand.

8 mai 2012

Ennuyeux

Il faut savoir escalader son propre ennui, à son sommet tout devient pur, cristallin, ontologique…

5 mai 2012

Félin

Bébert le chat de Céline était parfois bien drôle, il suffisait de lui enrouler une écharpe autour du cou et quand il clignait des yeux, fronçait le nez et pointait ses petites moustaches on aurait juré voir Lucien Descaves.

25 avril 2012

Mythologique

Le catoblépas est un animal un peu effrayant que l’on n’aimerait pas rencontrer dans une rue sombre. Il est pourvu d’un long cou grêle, d’une tête trop lourde qui traine par terre et selon Pline l’Ancien — qui s’y connait — il ne faut surtout mêler son regard au sien au risque de trépasser dans l’instant. Bon le catoblépas est surtout un peu idiot, sa tête traine par terre et il suffit donc de lever les yeux en sifflotant lorsqu'on le croise pour que le tour soit joué. Tenez moi qui suis moins ancien que Pline, mais un peu ancien tout de même, j’ai croisé un catoblépas pas plus tard que dimanche matin, il sortait du bureau de vote ou je m’apprêtais à entrer pour accomplir à mon tour un irrépressible « devoir citoyen ». Vous pensez bien qu’averti par Pline et toute sa cohorte de vieux Grecs j’ai levé la tête tout en laissant passer la bestiole à bonne distance.

21 avril 2012

Original

La vraie force de la singularité ne devrait que produire un désir contraire : se sachant original il faudrait TOUJOURS paraitre quelconque.

19 avril 2012

Timide

J’ai soigné ma grande timidité en étant totalement indifférent aux autres. C’est une bonne solution, un bon remède, je n’ai plus de crise émotionnelle repliée à l’intérieur de moi-même, plus d’état mental interparoxystique discernable à l’extérieur, il me suffit de regarder les autres comme des petits bonshommes de papier et le tour est joué.

13 avril 2012

Primesautier

Ma barbe pousse. Je suis plus ennuyé que mélancolique. Les oiseaux que j’entends par la fenêtre ne rotent pas, ils chantent. Passant de Cioran à Renard je constate que le moins roumain des deux me sied davantage ; il est soulevé par ses petits ballons pendant que l’autre sautille dans ses propres flaques de morosité. Tout cela est presque drôle, il faudrait que je trouve quelques petits ballons à gonfler.

10 avril 2012

Cheminadiste

Jacques Cheminade m’est très sympathique. Son côté gaulliste de gauche égaré au millieu d'une réunion fatale de L’Ordre du Temple Solaire a tout pour me ravir, et puis j’aimerai bien coloniser Mars en sa compagnie, je serai son M.Spock.

6 avril 2012

Européen

À Madère la TVA monte, mais la douceur ne descend pas.

24 mars 2012

Humain

Il faudrait pouvoir préférer la civilité à la citoyenneté. Il faudrait pouvoir préférer le sens commun à la communauté. Il faudrait pouvoir préférer la pudeur à l’identité.

17 mars 2012

Tranquille

Il faut se méfier des mélancoliques doux, prenez Richard Quine : des films, drôles, délicieux, parfois tristes, l’invention de Kim Novak, puis l’oubli, un peu… Un jour il rassemble ses amis et il se tire une balle dans la tête, devant eux comme ça. Le désespoir tranquille vous fait faire de drôles de choses.

12 mars 2012

Contraceptif

Marseille. Il tranche avec un cutter le pénis de l'amant de sa femme puis le jette aux toilettes. Résultat : 13 ans de réclusion criminelle et quelques irrémédiables dégâts.

11 mars 2012

Suicidaire

« Dimanche 27 juillet, un nommé Van Gogh, âgé de 37 ans, sujet hollandais, artiste peintre, de passage à Auvers, s’est tiré un coup de revolver dans les champs et, n’étant que blessé, il est rentré à sa chambre où il est mort le surlendemain »

(Journal de l'Oise)

10 mars 2012

Vache

Couplée avec la vache à lait, la vache à café est idéale pour le petit déjeuner. Je ne vous parlerai pas de la vache à bière, c'est une odieuse invention germanique.

2 mars 2012

Végétatif

Pour vivre heureux, ne pensons plus. Laissons faire notre « moi » végétal. Certains idiots le font très bien. Ils vivent comme des buissons, ne doutent de rien…

24 février 2012

Périmé

J’ai bu un thé de Ceylan périmé et je suis toujours vivant. Mon thé indien périmé avait plus de gout, il ne m’a pas tué non plus.

J’ai un peu visité le nord de l’Inde, le Rajasthan. C’est un pays assez beau, un « autre monde » plein d’odeurs et de grands palais blancs.

17 février 2012

Électoraliste

Sa candidature sitôt annoncée, Nicolas Sarkozy visite une fromagerie. Pour le reste rien de bien transcendant. À Asnières on profane la tombe d’un caniche, il y a un collier de diamants caché dedans. À Metz une femme de 71 ans est tuée à coups de ciseaux. À Strasbourg on retrouve un retraité tout raide, il faut dire qu’il est mort depuis trois ans (5e étage fatal). À Bourges un lycéen un peu fougueux en poignarde un autre pour une raison globalement saugrenue : un bonnet en laine. Voilà

13 février 2012

Lumineux

« Il y a trois choses à considérer : la première, ce qui cherche c’est-à-dire le désir ; la seconde, la manière de chercher ; la troisième, la découverte de la naissance. Il y a aussi dans l’homme trois choses : l’une sensible, la seconde rationnelle, la troisième spirituelle. Toutes les trois sont différentes et elles ne sont pas impressionnées de la même façon, mais chacune à sa manière. La lumière du soleil en elle-même est simple, mais la même lumière est reçue différemment par des verres différents dont l’un est noir, l’autre jaune, le troisième blanc. Par verre noir, on peut entendre la sensibilité ; par verre jaune, la raison ; par verre blanc, l’esprit dans sa pureté et sa simplicité. Quand cette lumière est vraiment bien reçue, toutes les images, formes, figures, tombent et cette lumière ne montre plus que la naissance en vérité. Le ciel est maintenant dans son obscurité naturelle, mais si à cette heure il venait à être changé tout entier en un pur et clair soleil, personne, par suite de cet excès de clarté, ne pourrait voir d’autre image. Quand cette éblouissante lumière brille dans l’âme, les images et les formes disparaissent, et là où cette lumière doit apparaître, la lumière naturelle doit s’éclipser et s’éteindre. »

(Jean Tauler, Sermons)

11 février 2012

Assoupi

« Quand il veut dormir, le dauphin flotte à la surface de la mer. Une fois assoupi, il coule lentement jusqu’au moment où il touche le fond et se réveille. Il remonte alors à la surface puis se rendort pour couler de nouveau et se réveiller de la même manière. C’est ainsi qu’il se repose dans le mouvement.»

(Benedykt Chmielowski. La Nouvelle Athènes ou l’académie de toutes les sciences)

2 février 2012

Viennois

Le Ring est bien vaste, mais il est en carton. On peut y croiser des touristes chinoises en shorts et des retraités en petits troupeaux qui se déplacent lentement. Seul le balcon sur lequel Adolf Hitler prononça son fameux anschluss semble avoir pour lui toute la lourdeur de la pierre. Il y a des calèches qui tournent devant, il n’y a plus de cocher juif pour les conduire.

13 janvier 2012

Laborieux

Pourquoi le labeur ? Dans le règne animal le labeur existe rarement comme « nécessité impérieuse », il y a bien quelques bestioles industrieuses, mais elles le sont, car contraintes par leur milieu (le castor est forcément industrieux) ou par leur essence (chez l’abeille, le labeur n’est qu’un organe de plus). On comprend moins le labeur chez l’homme. Peut-être veut-il se convaincre qu’il n’est pas une bestiole comme les autres ? Mais dans quel but ? Un homme qui ne vit pas au bord d’un torrent agité ou au cœur d’une ruche ne devrait JAMAIS besogner. Il devrait simplement se contenter de trouver un peu de nourriture à ingurgiter (ce qui me semble assez simple sans trop d’excédents de rouages sociétaux et en tous les cas sans cette fameuse « organisation » dont on nous repli les ormeaux à langueur de catéchèse économiste). Pourquoi besogner ? Prenons exemple sur le chat, ce petit félin lorsqu’il est laissé libre et à sa nature se contente de chasser, pour le reste il se loge là où il veut et passe l’essentiel de ses journées à roupiller les pattes allongées en direction du soleil. Le chat est très bien.
Vous remarquerez que je parle de Labeur et non de travail. Kant, lui, parle de travail, mais j’ai l’impression que son travail n’est pas loin de mon labeur. Il imagine que sans travail l’homme s’ennuierait. « L’homme est le seul animal qui doit travailler », blablabla… « si Adam et Ève étaient demeurés au paradis, ils n’auraient rien fait d’autre que d’être assis ensemble, chanter des chants pastoraux, et contempler la beauté de la nature. L’ennui les eût torturés tout aussi bien que d’autres hommes dans une situation semblable. » blablabla… Pour Marx le travail est une pensée, l’animal ne pense pas et c’est pourquoi il ne travaille pas. Chez les nazis le travail « libère » mais c’est certainement de l’ironie.

8 janvier 2012

Priapique

Chez les anciens, les pets diphtongue de Priape avaient le pouvoir de faire fuir les sorcières. Il faut bien avouer que cela ne manquait pas de sel.

3 janvier 2012

Insulaire

Pour oublier le monde : tenter d'être un autre monde. À défaut : tenter d’être une ile.

2 janvier 2012

Hypocondriaque

Il n’y a que la vraie maladie pour nous guérir de l’hypocondrie.