22 février 2016

Dysphorique

Je n’ai que la dysphorie pour protéger mon intérieur. Alors, laissez-moi être dysphorique, je ne demande rien de plus. (Autres dysphoriques potentiels : Walser, Pessoa, Hohl…)

17 février 2016

Hindou

L’Inde de Pierre Loti est merveilleuse. Les éléphants centenaires se dandinent sous la lune comme des monstres mous. Les jeunes filles sont sveltes avec de grands yeux noirs. Les hommes, quant à eux, s’enveloppent dans de grandes toiles blanches, nouent leurs longs cheveux pour mieux s’étendre comme des ensevelis, devant les portes parmi les chèvres : « avec cette répulsion que les Indiens éprouvent pour coucher sous des plafonds ou des voûtes, ils s’endorment dehors, dans la nuit tiède et languide, saturée d’exhalaisons de fleurs et comme cendrée de poussière bleue ».

15 février 2016

Secoué

« Cette secousse – car ce n'est qu'une secousse ou, si vous le voulez, un coup de poing ou de nageoire sur le tambour de l'âme – il est inutile d'en décrire les effets si on ne les éprouve pas. On ne fait alors que de rire, et l'heure, je le répète, n'est pas du tout à cela, ni à rien qui soit du temps ou de l’élégance perdus sur le papier, ni à des caniches, ni à des dames, ni à du thé, ni à des verbiages et des radotages de hauts politiciens. Les temps n'appartiennent plus qu'à ceux qui se passent en silence des cartouches dans leurs poches, cherchant à droite et à gauche un masque ferme et ne le trouvant pas ; pensant alors à plus tard, à bientôt... mais il vaut mieux n'en pas parler. Elles étaient bien belles, à vrai dire, ces montagnes où s'appesantissait le train presque sur l'eau, entrant et sortant presque tout le temps des tunnels, ce jour où je fis tant de réflexions sur l'homme...» (Charles Albert Cingria, La fourmi rouge et autres textes)

8 février 2016

Baltique

Le balte de base croit volontiers aux forces surnaturelles. Ainsi, certains comportements sont à bannir en sa présence : siffloter dans une maison éloigne la prospérité, serrer la main d’un autre balte de base dans l’embrasure d’une porte est un signe d’hostilité (il faut le faire à l’intérieur de la maison ou, faute de mieux, sur le palier), allumer une cigarette à la flamme d’une bougie attire les mauvais esprits et chanter dans un sauna n’apporte que du malheur.

5 février 2016

Circonflexe

Mon âme blême est un gâteau que je mâche en rêve.

4 février 2016

Micrographique

Les microgrammes de Robert Walser n’ont été écrits que pour être écrits — et en aucun cas pour être lu — c’est pourquoi ils sont toujours dans la pleine liberté de toute chose n’existant que pour ne pas exister aux autres.

3 février 2016

Horloger

« Je regarde bien des choses pendant ma journée : la fourmi qui s'avance, les papillons qui construisent des triangles et des chemins, l'araignée qui descend, qui monte et qui attend, les fleurs qui s'ouvrent. Car je peux voir, moi qui passe et repasse toujours, les fleurs bourgeonner, grossir, trembler et s'ouvrir avec une douceur aussi puissante que le tonnerre. Toutes ces choses sont des horloges, et l'on ignore le cœur de ces horloges parce que c'est aussi un abîme. Il y a des milliers d'abîmes qui s'entrecroisent. Et vous dites voilà une fleur, voilà un chien, voilà un homme. Chaque fois que vous dites cela, vous prononcez un mot aussi grand que le ciel... » (André Dhôtel, L'Homme de la Scierie)

2 février 2016

Azimuté

Il faut bien admettre qu’Érik Satie était un drôle de zigoto. On ne nait pas à Honfleur par hasard, c’est une petite usine à zigotos (Alphonse Allais n’est pas le dernier des zigotos). On ne se produit pas comme second piano dans des cabarets sybarites comme le Chat noir ou L’Auberge du clou sans être un éventuel zigoto non plus. On ne rencontre pas Joséphin Péladan sans être blanc gris avec un chapeau mou, il ne vous fait pas « grand maitre de chapelle de la Rose-Croix du temple et du Graal » sans fleurer en vous une comète jumelle un peu toquée. On ne crée pas une autre église « l’église métropolitaine d’art et de jésus conducteur » sans être une comète chauve remplie de gros grains folingues. Il faut être aussi un peu zigoto pour vivre dans un réduit tellement réduit que l’on ne peut pas y tenir autrement que couché (un placard !). Et puis il y a cette chambre de bonne où l’on vie approximativement vingt ans, jusqu’à ce mort s’en suive, c’est un bon indice quant à la zigoterie présupposée. Je vous épargne la musique, celle pour l’ameublement, les gymnopédies, les bidules obliques, les machins oblongs, tout le tintouin…