31 mai 2021

Pélargoniumiste

 Figurez-vous que dans toute l’œuvre de Paul Valéry il n'est jamais question du géranium ! Il ne l’évoque même pas dans son fameux « Cimetière Marin » où il y a beaucoup de lumière, des vers de terre, des insectes et des racines, du bleu, des flèches ailées, des filles chatouillées qui poussent des cris aigus, mais jamais au grand jamais l'ombre portée d'un géranium ! Voilà pourtant une plante de cimetière idéale, elle demande certes un arrosage semi-soutenu — qui n'a pas vu une veuve tristounette porter deux arrosoirs à bout de bras ne connaît pas vraiment les cimetières —, mais guère plus que ça.

Comme tout fricote dans une coalescence soutenue, comme tout se confirme et s’accorde toujours, la tombe de Paul Valéry est à l’image de son œuvre : dépourvu du moindre géranium. On peut la voir froide et impassible, accrochée sur l’une des pentes du Cimetière Saint-Charles de Sète ( le vrai nom du fameux Cimetière Marin). Quelques arpents plus loin sur la tombe de Jean Vilar une petite armée de pots de fleurs bondés de joyeuseté colorée nous ferait presque oublier la rude phénoménalité du marmoréen. Parmi ces pots, deux pots de géraniums. Décidément, le « théâtre populaire » cède au pélargoniumisme.

Rétrospectif

 Je suis né un jour de printemps et depuis les courtes catastrophes n’ont cessé de croître autour de moi. Mon enfance fut heureuse bien que parfois un peu effarouchée. Ma jeunesse fut idiote comme toutes les jeunesses. J’endosse ma vie d’homme avec une certaine confusion, parvenant à l’âge mûr sans la moindre appétence pour un monde qui semble s’écrouler de toute sa masse. Je serais sénile de par moi-même, le résultat lacuneux d‘une somme d’échecs  plus ou moins  tangibles. Quoi que je fasse de plus, il faudra que je meure ensuite.


6 février 2021

Umouristique

  Le 26 septembre 1915 Jacques Vaché est couché dans un petit lit bien doux de l’hôpital de Nevers. La vieille, au front, en première ligne, il a été blessé par l’explosion d’un sac rempli de trente grenades… Le voilà avec de petits éclats dans la cuisse, le mollet et la cheville gauche. On lui retire tout ça sans l’endormir : « j’ai tenu jusqu’au dernier… où j’ai crié. Mais quelles souffrances ! Vraiment ceux qui se font couper la jambe en fumant une cigarette sont prodigieux. » 


Soulographe

 Le 11 février 1966 Emil Cioran dîne avec des Roumains soûlographes. Il boit la valeur d’une bouteille de Bordeaux et se retrouve avec l’impossibilité de contrôler son cerveau : « j’ai déconné pendant des heures. Que tout cela était stupide ! »
Le même jour naissait Dieudonné M' Bala M' Bala, qui finira humoriste.