29 mars 2010

Sinistre

Les journées sont bien longues, mais ce n'est pas une raison pour confier leur exécution à un seul guillotineur. Par exemple, on peut utiliser la musique comme bourreau : elle « raccourcit » très bien. Il suffit de bien choisir sa musique, les ressources des musiques sombres, lugubres et déprimantes me semblent inépuisables, elles possèdent un sortilège que n'ont point les musiques allègres : celui de nous rendre plus tendre, plus aimant, plus aimé que nous ne sommes puisque plus facilement délectés par des pensées funèbres ; ces musiques sinistres n'exigeant aucun effort de nous elles souffrent à notre place. C'est un dissolvant qui ne laisse rien de nous et ne nous laisse rien.

28 mars 2010

Somnambulique

Luc Dietrich ne dormait jamais vraiment, il ne s'éveillait jamais vraiment non plus. Il lui arrivait seulement de sommeiller debout les yeux grand ouverts tout en vaquant à ses occupations quotidiennes. Ainsi, on pouvait le voir avancer dans le monde avec des gestes de nageur et des pas de somnambule.
Grâce à cet état flottant il n'avait pas à chercher un quelconque halo poétique, il lui venait naturellement.

N-B. On notera néanmoins que cet « état flottant », cet état poétique, attirait plus d'inconvénients que d'avantages à notre homme puisque ce dernier était, aussi et surtout, un homme de la rue ; cette rue qui est pleine de danger pour qui subit la douce vérité du rêve et de la narcolepsie réunis.

24 mars 2010

Léporidesque

« Il est toujours avantageux de porter un titre nobiliaire. Etre « de quelque chose », ça pose un homme, comme être « de Garenne », ça pose un lapin. »

(Alphonse Allais, Le Chat noir)

23 mars 2010

Engagé

Georges Orwell était tellement de gauche qu'il ne pouvait pas se moucher sans moraliser sur les conditions de travail dans l'industrie du mouchoir. Je tiens cette anecdote de Cyril Connolly : un homme parfois spirituel, un homme qui savait vivre, dodu, devant les livres qu'il venait de lire.

22 mars 2010

Debordien

Guy Debord avec ses airs de moine laïque éthylique affirmait que pour savoir écrire, il faut savoir lire et que pour savoir lire il faut savoir vivre. J'acquiesce absolument, mais je constate que l'inverse est également réalisable et dans les deux sens.

20 mars 2010

Modianesque

Modiano, nouveau livre (L’horizon). Matière et mémoire, comme toujours. Matière sensible, cette matière qui est aussi une pâte impressionniste ; Modiano sculpte des souvenirs avec.

16 mars 2010

Bricoleur

Afin de mieux oublier les nombreux inconvénients de son inopportune existence le très sceptique Émile Cioran avait pris l’habitude de bricoler. Il était, par exemple et selon mes informateurs, un excellent « plombier amateur » qui se réjouissait plus qu’à son tour devant un robinet récalcitrant. Très absorbé par ses tâches réparatrices on pouvait le voir successivement badiner sous les gouttes, glousser face au tartre, s'esclaffer devant un siphon guttural ! Il oubliait alors toutes les nuits blanches sans fin qu'il passait dans des chambres de bonnes sans fenêtres. Il oubliait aussi sa Roumanie natale, la patibulaire « garde de fer » ses compromettants penchants de jeunesses ; cet amour pour le sinistre peintre raté Hitler, cette antipathie notoire envers les juifs... il oubliait qu'il faut vivre et que vivre ne rime à rien... Bref Émile oubliait tout en grand, et puis un jour Alzheimer a remplacé la plomberie. Il n'y a plus rien eu, même pas un plombier roumain amnésique, rien, nada, nothing, rideau...

15 mars 2010

Musical ?

La batteuse se croyait dans un groupe de reggae, le bassiste était notre Paul Simonon des « pentes » (en plus petit), le chanteur se voyait comme une réincarnation de Ian Curtis (mâtinée de Jean René Caussimon), j’étais trop raide pour pouvoir oser accorder ma guitare tout en pensant que le milieu de Sister Ray c'est quand même sensas...

P.-S. Nous avions aussi joué un temps avec une flûtiste (traversière)

12 mars 2010

Nuageux (bis)

« Eh ! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger ? - J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages !»

(Charles Baudelaire, Le Spleen de Paris)

7 mars 2010

Suicidaire

« On se suicide par pudeur, par orgueil, par modestie, par discrétion, par peur de la mort (ce qui est un comble) ou des gendarmes ; par lassitude, par vengeance, par plaisir, parfois même par curiosité. Le chinois se suicide pour embêter son créancier, l'homme-torpille par patriotisme ; le Britannique par spleen ; un Écossais se pendit parce que les gilets ont trop de boutons. "Aujourd'hui, tout le monde vit !" me disait une jeune fille avec un air scandalisé. Il y a évidemment trop peu de gens qui se suicident ; ce ne sont jamais ceux qu'il faudrait. »

(Alexandre Vialatte, Chroniques de La Montagne)

6 mars 2010

Voyageur

Il faut oublier le Pierre Loti romancier désuet, le vrai Loti vaut mieux que la désuétude. Il est principalement (loti ?) dans ses souvenirs de voyage avec un goût antimoderne musqué et des parfums parfois étonnamment proustiens qui remontent...

P.-S.- Le lecteur « perspicace et citoyen » se heurtera parfois aux limites du petit bourgeois de son temps, officier de marine, raide et raciste qui voit le Chinois, jaune empressé, rapace et simiesque et le Juif comme le Chinois, mais en pire.

5 mars 2010

Nuageux

Stratus, Cumulus, Cirrus, Nimbus, il faut aimer la compagnie des nuages, cette lente procession de moutons abstraits.

3 mars 2010

Artisanal

« L'art populaire » est mort depuis qu'il n'y a plus aucun artisan dans l'industrie du divertissement. Restent des artistes à niches ou des employés à niches qui construisent dans des niches (cultureuses, industrielles...) pour des clients nichés...

Quant aux pirates sans récifs... ils sont loin de la flibuste ! Imaginez un instant Long John Silver cherchant un trésor dans une niche...