12 avril 2013

Humain

« Pauvre vie. Pauvres vies. Calet ne parla jamais que des humbles, comme Dabit, comme Guilloux, comme Bernanos. Il aura aimé ceux qui passent, et qui vont mourir, et qui le savent, et font semblant de ne pas le savoir, et enfilent des chandails, des culottes, se lavent les dents, chient, vont au boulot, reviennent, baisent, se couchent, par n'importe quel temps, chient, rebaisent, dorment, ne dorment pas, et à la fin se mettent à pleurer silencieusement, car enfin, enfants, ils rêvaient tout de même d'une autre vie, car enfin, oui, cela il faut bien le dire, rêvaient d'une autre vie. Calet l'a dit. Saloperie d'existence. Car ce n'est pas ainsi qu'il aurait fallu vivre. Malgré tout, comme le séjour fut beau. On s'en souvient encore. A Suresnes, nous avions parfois mangé des moules et des frites et bu du vin rosé. En bras de chemise, sous les tonnelles. Comme les années furent belles. Et tous ces corps désespérants de femmes que l'on a serrés contre soi. C'est ma jeunesse et je n'en ai pas d'autre. On a eu que cette pauvre vie là. C'est mieux que rien. Quand on est le fils de Madame Caca, on ne peut pas être très exigeant. (…) Il savait où il allait, oui, Henri Calet. Longtemps communiste, il avait fini par s'habituer à vivre sans espoir. Rien que la mort. » (JP Martinet)

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