6 mars 2020

Immobile

Le 27 mai 1918 vers sept heures du soir devant Vailly-sur-Aisne, une balle entre par l'épaule droite du lieutenant Bousquet, lui troue quatre fois les poumons puis la colonne vertébrale. On entend deux cris, l'un un peu sourd, celui du blessé, l’autre atroce : “ Quel malheur ! le lieutenant est tué ! " Pourtant, le lieutenant n'est pas tué, c'est son corps qui est tué ! Voilà une paraplégie, une immobilité légendaire ! Bousquet raconte tout cela – bien mieux que moi – dans une lettre adressée à Maurice Nadeau le 13 juillet 1945. Dans cette même lettre, il évoque également ses relations avec le gratin surréaliste : Éluard, Breton, Tanguy, Max Ernst… Ce même Max Ernst qui, drôle d'ironie, était lui aussi sur le champ de bataille de Vailly-sur-Aisne, de l'autre côté... du côté allemand : « Mes soldats ont voulu me sauver. J’ai inutilement exigé qu’ils me laissent sur place, qu’ils me laissent à ma commençante agonie. Ils m’ont arraché malgré moi au champ de bataille… Eh bien, Nadeau, écoutez-moi avec attention. Mes soldats m’ont emporté au milieu des coups de feu. Max Ernst allait passer. Max passait. Max Ernst, lieutenant d’artillerie dans l’armée allemande, mais accompagnant un bataillon d’assaut, sortait de Vailly, que j’avais reçu l’ordre de reprendre, avec les vagues victorieuses… »

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