31 mai 2021

Pélargoniumiste

 Figurez-vous que dans toute l’œuvre de Paul Valéry il n'est jamais question du géranium ! Il ne l’évoque même pas dans son fameux « Cimetière Marin » où il y a beaucoup de lumière, des vers de terre, des insectes et des racines, du bleu, des flèches ailées, des filles chatouillées qui poussent des cris aigus, mais jamais au grand jamais l'ombre portée d'un géranium ! Voilà pourtant une plante de cimetière idéale, elle demande certes un arrosage semi-soutenu — qui n'a pas vu une veuve tristounette porter deux arrosoirs à bout de bras ne connaît pas vraiment les cimetières —, mais guère plus que ça.

Comme tout fricote dans une coalescence soutenue, comme tout se confirme et s’accorde toujours, la tombe de Paul Valéry est à l’image de son œuvre : dépourvu du moindre géranium. On peut la voir froide et impassible, accrochée sur l’une des pentes du Cimetière Saint-Charles de Sète ( le vrai nom du fameux Cimetière Marin). Quelques arpents plus loin sur la tombe de Jean Vilar une petite armée de pots de fleurs bondés de joyeuseté colorée nous ferait presque oublier la rude phénoménalité du marmoréen. Parmi ces pots, deux pots de géraniums. Décidément, le « théâtre populaire » cède au pélargoniumisme.

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