24 mai 2010

Salé

À Fez c'est le barbier du Sultan qui était chargé du supplice du sel. Le suspect, forcement coupable, sitôt harponné était garrotté puis emmené sur la place du marché. Là il passait derechef de coupable à supplicié. Notre barbier l'attendait plein d'une impatience non ostentatoire, il avait bien d'autres choses à faire, des barbes à soigner… Sans coup férir il regardait à peine sa « victime » et avec un sérieux, un professionnalisme qui l'honorait, il lui taillait alors dans chaque main et dans le sens de la longueur quatre fentes jusqu'à l'os. Le barbier était très habile son rasoir était affectueusement affûté. Il étendait ensuite les paumes du supplicié, faisait bâiller le plus possible les lèvres de ces coupures sanguinolentes et les remplissait de sel. En bon barbier bourreau, il refermait ensuite la main déchiquetée et introduisait le bout de chaque doigt dans chacune des fentes proposées. Le supplicié criait, tout cela était quand même un peu douloureux. Pour parfaire le tout, sa tâche accomplie le barbier laissait finir le travail par un couturier indistinct qui passait par là. Ce dernier, un peu chafouin cousait un gant de bœuf mouillé qui très serré recouvrait judicieusement les blessures. Cela faisait deux poings, harmonieux, très jolis, le couturier était ravi, la foule jubilait. On ramenait ensuite le supplicié dans son cachot, on lui donnait à manger, à boire, de quoi survivre... Les jours passaient, ses ongles poussaient au travers des mains, la souffrance était atroce, bientôt les doigts lui traversaient les poings, c'était incongru.
Pour finir, les plus courageux et résistants mourraient du tétanos, les plus douillets ne supportant plus la douleur se fracassaient la tête contre les murs. C'était le bon temps.

Aucun commentaire: